Le Front al-Nusra (“Jabhat Al-Nusra”) est un réseau jihadiste salafiste d’Al-Qaïda qui occupe une place centrale au sein des groupes rebelles en Syrie.


Il aspire à faire tomber le régime d'Assad et à instaurer un califat islamique dans la Grande Syrie, foyer régional et international de terrorisme et de rébellion

Logo du Front al-Nusra ou de son nom complet :"Front de soutien aux résidents de la Grande Syrie". En fond on aperçoit la carte de la Syrie, le symbole du croissant de l'islam et la silhouette d'un combattant du jihad (almadenahnews.com)
Logo du Front al-Nusra ou de son nom complet :"Front de soutien aux résidents de la Grande Syrie". En fond on aperçoit la carte de la Syrie, le symbole du croissant de l'islam et la silhouette d'un combattant du jihad (almadenahnews.com)

Principaux points
Enracinement d'Al-Qaïda en Syrie

1.   Durant la guerre civile en Syrie, deux branches d'Al-Qaïda ont été établies au sein des organisations rebelles luttant pour faire tomber le régime de Bachar al-Assad. La principale est le Front al-Nusra ("Front de soutien"), actuellement directement dépendante du dirigeant d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri. A ses côtés œuvre le groupe "l'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie", lié à Al-Qaïda en Irak. Par ailleurs, des groupuscules militaires jihadistes salafistes œuvrent en Syrie et ne sont pas forcément affiliés à Al-Qaïda. Le nombre d'activistes des deux branches d'Al-Qaïda en Syrie est estimé à 6000-7000, et est en hausse selon nos estimations.

2.   Cette étudetraite principalement du FrontAl-Nusra,[1]organisation établiefin Janvier 2012,dix mois après le début du soulèvement syrien. Initialement, il
fonctionnait comme une branche de "l'Etat islamique en Irak", un réseau affilié à Al-Qaïda en Irak.[2]Pourofficialiser sa situation, en Avril 2012, Abu Bakr Al-Baghdadi, le chef d'Al-Qaïda en Irak, a annoncé l'union des deux organisations en une seule appelée "L'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie." Toutefois,l'union n'a pas été respectée par le Front Al-Nusra et a été annulée par Ayman al-Zawahiri, le dirigeant d'Al-Qaïda, en Juin 2013, qui a déclaré le Front comme étant sa branche officielle en Syrie. Cela a abouti à une scission entre les deux branches d'Al-Qaïda en Syrie et, aujourd'hui,les deux opèrent comme des groupes antagonistes et rivaux.

3.   Le FrontAl-Nusra s'identifie à l'idéologie salafiste jihadiste d'Al-Qaïda. Il aspire àétablir un califat islamique en Grande Syrie, comprenant la Syrie, le Liban, la Jordanie, Israël et l'Autorité Palestinienne, régipar la loi islamique (la charia). Le FrontAl-Nusra est hostile à Israël et à l'Occident, rejette les valeurs occidentales (dont la démocratie, le pluralisme et la liberté de culte) et s'oppose à toute intervention occidentale dans la guerre civile syrienne. Il est égalementhostile aux groupes minoritaires en Syrie, notamment aux alaouites et aux chiites, qu'il considère comme des infidèles. Le jihadest sa stratégie proclamée pour renverser le régime syrien et réaliser ses autres objectifs, et il considère le jihad comme le devoir personnel de chaque musulman (selon les enseignements d'Abdullah Azzam, le mentor idéologique d'Oussama ben Laden).

4.   Le Front Al-Nusra, le représentant d'Al-Qaïda en Syrie, et "l'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie", qui agit à l'encontre des directives d'Ayman al-Zawahiri, cherchent (séparément) à promouvoir une stratégie à long terme : la première étape consiste à acquérir une emprise sur les groupes rebelles et à établir une base solide en Syrie pour le jihad, qui aidera à renverser le régime Assad, en collaboration (même si partielle et temporaire) avec d'autres groupes rebelles, notamment ceux à caractère islamique. La deuxième étape consistera à prendre le contrôle du nouveau régime syrien formé par l'union de toutes les forces jihadistes salafistes œuvrant à Damas, ou du moins à acquérir une influence significative sur le régime. Selon la troisième étape, le régime jihadiste qui sera établi à Damas (ou tout autre régime à orientation jihadiste) œuvrera à établir un califat islamique dans la Grande Syrie, servant de ligne de front pour Al-Qaïda et le jihad mondial au cœur du Moyen-Orient. Cette branche d'Al-Qaïda mènera une campagne terroriste contre Israël depuis le plateau du Golan, exportera le terrorisme en Occident  et dans d'autres pays du monde et sera un foyer de rébellion et de terrorisme islamique contre les pays arabo-musulmans pro-occidentaux.

Estimation des capacités militaires du Front Al-Nusra

5.   Le FrontAl-Nusra est le principal groupe jihadistesalafiste prenant part aux combats dans la guerre civile syrienne. Il est dirigé par unchef appelé "Émir" ("prince"), titre commun dans les organisations jihadistes contemporaines, quifait référence à un leader politique et religieux, comme cela fut fixé aux débuts de l'islam. Des dirigeants locaux (u'maraa) lui sont subordonnés dans les villes et les gouvernorats de Syrie (avec parfois plus d'un "émir" par gouvernorat). La plus haute instance du Front Al-Nusra est leMajlis Choura al-Moudjahidin (le Conseil de consultation des combattants du jihad). La direction est composée d'organes et d'activistes chargés des opérations militaires, de la collecte de fonds, de l'acquisition d'armes et de leur transfert en contrebande en Syrie, d'affaires religieuses, d'information et de relations publiques. Le Front Al-Nusra exploite des cadres militaires dans les différents gouvernorats (généralement appelés bataillons ou brigades). En parallèle opèrent des systèmes de gouvernance, de religion et des réseaux d'information, dont l'objectif est de renforcer l'influence d'Al-Nusra sur les résidents, de gagner leur confiance et de combler le vide créé par l'effondrement de l'administration syrienne dans de vastes régions de Syrie.

6.   Le leaderdu Front Al-Nusra est un activiste de terrain surnommé Abu Muhammad al-Julani(il existe des versions contradictoires, non vérifiées, quant à son vrai nom). Il serait apparemment d'origine syrienne,éventuellement du plateau du Golan, et aurait acquis une expérience opérationnelle en Irakdans la lutte contre les Etats-Unis et ses alliés. Dans le passé, il était un disciple d'Abu Moussab al-Zarqaoui, qui a dirigé les combattants du jihad envoyés en Irak par Al-Qaïda après l'invasion américaine de Mars 2003. Après le déclenchement de l'insurrection en Syrie, Abu Muhammad al-Julani a été envoyé en Syrie par Al-Qaïda en Irak pour établir le Front Al-Nusra. D'autres activistes d'Al-Qaïda ayantacquis une expérience en Irak siègent également à la direction du Front Al-Nusra, tandis que les rangs de l'organisation sont composés de milliers de combattants du jihad du monde arabo-musulman (notamment de Libye, de Tunisie, de Tchétchénie, d'Arabie saoudite et d'Egypte) et de plusieurs centaines d'Occident (dont 500-600 activistes d'Europe,  principalement de France et du Royaume-Uni). Les survivants sont censés retourner dans leur pays d'origine une fois lescombats en Syrie terminés (il y a environ 5.000 ressortissants étrangers combattant en Syrie aujourd'hui, la plupart dans le cadre du Front Al-Nusra).

7.   Le FrontAl-Nusra a réclamé la responsabilité de centaines d'attaques. Ses activités etcelles de l'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie se concentrent sur Damas et ses environs et des zones du Nord et de l'Est de la Syrie (Alep, Homs, Hama, Idlib et Deir ez-Zor). Le Front Al-Nusra mène également une activité militaire intensive dans la région de Daraa, au Sud de la Syrie, où le soulèvement contre le régime Assad a commencé. Dans plusieurs gouvernorats du Nord et de l'Est de la Syrie, le FrontAl-Nusra jouit d'un pouvoir et d'une influence considérables sur la population locale (en collaboration avec d'autres organisations islamiques). Le long de la côte, toutefois, où est concentrée la population alaouite (régions de Lattaquié et Tartous), ou dans la zone d'Al-Suwayda au Sud de la Syrie, où la population druze est dominante, le Front Al-Nusra et les autres organisationsjihadistes n'ont pas de présence militaire ou administrative conséquente. Le Front Al-Nusra cherche également à s'ancrer sur le plateau du Golan. Selon nous,  il n'a pas encore là-bas une présence militaire importante, bien qu'il ait commis à une occasion unattentatsuicide dans le village de Sasa contre un symbole important du régime syrien (explosion du siège des renseignements militaires du gouvernorat de Quneitra).

8. Dans les gouvernorats mentionnés ci-dessus,le Front Al-Nusra mène une campagne de guérilla terroriste contre les bases, les installations et des individus affiliés à l'armée et au régime syrien(notamment l'armée, les forces de sécurité et les institutions gouvernementales). Son objectif est de créer le chaos au sein du régime et de ses partisans, de rompre les liens entre les différentes régions gouvernementales, de perturber leur capacité à gouverner et de donner au Front Al-Nusra (et aux autres groupes rebelles) le contrôle de vastes territoires, en particulier dans le Nord et l'Est de la Syrie. À cette fin,le Front Al-Nusra emploie une variété de tactiques de combat : explosion de véhicules piégés par des terroristes suicide ou à distance ; attentats suicide à l'aide de ceintures d'explosifs ; attaques de bases, d'installations et d'aérodromes avec des armes légères et des mortiers, explosion d'engins explosifs improvisés le long des routes principales (les activistes de l'organisation ont acquis de expérience dans l'utilisation des engins explosifs improvisés en Irak), et attaques de barrages des forces de sécurité et de l'armée.

9. Les attentats suicide sontla signature du Front Al-Nusra(l'organisation a revendiqué la responsabilité de la plupart de ceux commis en Syrie). Les attentats suicide, notamment ceux visant les centres du régime syrien à Damas et à Alep, ont donné un "plus" opérationnel au FrontAl-Nusra et ont porté un coup au régime syrien. Ces attaques créent aussi une image négative. Les pays d'Occident et les pays arabo-musulmans sont de plus en plus préoccupés par l'infiltration d'éléments d'Al-Qaïda dans les rangs des rebelles et en conséquence sont moins enclins à soutenir les opposants au régime syrien. En outre, les attentats suicide sont mal vus par une partie de la population syrienne, carils sont parfois menés sans discernement, tuant des civils innocents qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment. Apparemment, l'utilisation d'attentats suicide a été inspirée par l'Irak, où depuis de nombreuses années, Al-Qaïda en Irak mène des attaques suicide.

10. Le Front Al-Nusra et d'autres organisations jihadistes salafistes collaborent avec des groupes rebelles islamiques qui ne partagent pas nécessairement l'idéologie d'Al-Qaïda. Il existe également une collaboration ad-hoc entre eux et l'Armée syrienne libre, la principale organisation qui mène le combat contre le régime syrien, à caractère nationaliste syrien et laïc (même si bon nombre de ses combattants ont clairement une appartenance à l'islam). Dans plusieurs domaines, il existe une collaboration militaire entre le Front Al-Nusra et l'Etat islamique en Irak et la Grande Syrie, en dépit de leur rivalité. D'autre part, des tensions opposent d'une part le Front Al-Nusra et d'autres groupes jihadistes salafiste et de l'autre l'Armée syrienne libre, tensions qui, dans certains cas, ont dégénéré en affrontements violents. Il existe également des tensions au sein des organisations jihadistes. A ce point, aussi longtemps que la lutte contre l'armée syrienne, leur ennemi commun, se poursuit, elles sont prêtes à contenir leurs divergences fondamentales et à empêcher une détérioration en une confrontation générale. Cependant, une lutte de pouvoir violente pourrait se développer en Syrie quant à la nature du futur régime syrien, et le Front Al-Nusra devrait jouer un rôle important.

Le soutien civil à la population syrienne

11. De nombreuses zonesdu Nord et de l'Est de la Syrie, qui sont tombées sous l'influence du Front Al-Nusra et d'autres groupes rebelles, se sont transformées en"zones libérées". Pour le Front Al-Nusra, il est particulièrement important de fournir un soutien aux résidents syriens et d'établirune alternative gouvernementale dans ces zones où le régime syrien n'est plus souverain. À cette fin, le Front Al-Nusra a mis en placedes organismes désignés dans les différentes zones. Ils distribuent de la nourriture, des vêtements, des couvertures et d'autres articles nécessaires et proposent des systèmesjuridiques, de police, d'éducation et de santé. Des journalistes occidentaux ayantvisité les zones libérées ont rapporté dansla plupart des cas que les résidents locaux sont satisfaits de leur vie, revenue à la normale après l'effondrement du régime local syrien. Cependant, dans certains endroits,des plaintes se font entendre, en particulier sur le strict code deconduite mis en place (insistance sur l'habillement "discret" des femmes, par exemple) et les actes decruauté (contrôle des ressources, exécution de prisonniers, maltraitance des sectes minoritaires).

12. Au Nord et à l'Est dela Syrie, le FrontAl-Nusra et ses alliés ont réussi à prendre le contrôle d'installations gouvernementales vitales, dont des champs de gaz,des pipelines de pétrole, des centrales électriques et des silos à grains. Le Front Al-Nusra et d'autres groupes rebelles exploitent ces installations, parfois en accord tacite avec le régime syrien (transfert de pétrole et de gaz au régime contre lequel ilsluttent en échange de paiement). Les bénéfices (en particulier dans les domaines du pétrole) constituent des revenus mensuels élevés pour le Front Al-Nusra et lui permettent de payer le salaire de ses membres, d'acheter des armes et d'aider la population.

Estimation des risques pour Israël, l'Occident et les pays arabo-musulmans pro-occidentaux

13.La guerre civileen Syrie en un aimant pour les membres d'Al-Qaïda et le jihad mondial, qui continuent d'affluer en nombre.Les combattants jihadistes sont arrivés en Syrie d'Irak, d'autres pays arabo-musulmans et d'Occident et ont rejoint les rangs d'activistes locaux et mis en place des cadres jihadistes militaires qui comprennent le Front Al-Nusra et l'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie, deux organisations qui dépendent d'Al-Qaïda. Certains des volontaires ont rejoint l'Armée syrienne libre et d'autres organisations militaires islamiques non affiliées à Al-Qaïda et au jihad mondial. Certains sont passés d'une organisation militaire à l'autre avant de rejoindre les rangs d'organisations jihadistes aux capacités militaires améliorées et jouissant d'une forte attraction idéologique. Toutefois, à ce stade, il est difficile de prédire de quelle manière la guerre civile va se terminer, ce que sera le pouvoir relatif du Front Al-Nusra et d'autres organisations jihadistes, l'équilibre du pouvoir entre les diverses organisations affiliées au jihad mondial et les organisations nationales syriennes ou syriennes islamiques, et de quelle manière les événements de la seconde vague de bouleversement régional en Egypte auront une influence sur le pouvoir des diverses organisations et sur les développements ultérieurs de la guerre civile en Syrie.

14. Entout état de cause, à l'heure actuelle (Eté 2013), le Front Al-Nusra, désigné comme organisation terroriste par les Etats-Unis et plusieurs pays européens, estl'une desprincipales organisations rebelles, en raison de ses capacités opérationnelles et de son influence sur la population. Sapriorité est actuellement la lutte contre le régime syrien jusqu'à sa chute et non d'imposer la loi religieuse islamique en Syrie ni de promouvoir un ordre du jour jihadiste terroriste régional ou mondial. A cette fin, l'organisation tente en général d'adopter une attitude pragmatique, se joignant à d'autres organisations rebelles (y compris à celles ayant des réserves quant à Al-Qaïda) et s'efforce généralement de ne pas appliquer son idéologie radicale à la population syrienne dans les régions qu'elle contrôle, et investit beaucoup d'efforts pour aider la population locale et remplir le vide administratif dans les "zones libérées".

15. Cependant,à moyen et à long terme, le Front Al-Nusra et les autres organisations jihadistes salafistes s'efforceront de prendre le contrôledu soulèvement syrien (en cas de réussite) et de réaliser leur vision du califat islamique dans la Grande Syrie. Selon nous, ilsdevront faire face à de nombreuses difficultés dans la réalisation de leur objectif, liées au caractère politique et social de la Syrie comme Etat aux multiples groupes ethniques et religionset avec une tradition gouvernementale et idéologique de nationalisme arabe laïc. En outre, il existe de nombreuses différences entre les organisations islamiques opérant en Syrie, même celles affiliées à Al-Qaïda. Ainsi, on peut supposer queles chances du Front Al-Nusra de prendre le contrôle de la révolution syrienne et d'établir un régime syrien affilié à Al-Qaïda sont faibles. Néanmoins, selon nous, le Front Al-Nusra a la capacité de prendre de l'ampleur et de devenir un acteur central au "lendemain" de la guerre, puissance qui ne pourra pas être méconnue et qui sera difficile à supprimer.

16. Aujourd'hui,le Front Al-Nusra joue un rôle important parmi les organisations rebelles en raison de ses capacités militaires et financières, de sa chaîne de commandement et de contrôle efficace et de l'engagement idéologique profond de ses membres. Même s'il ne prend pas le contrôle de la révolution syrienne, selon nous, il sera un acteur importantdans l'élaboration de son caractère religieux et sectaire, coopérera à déstabiliser la Syrie et compliquera la capacité de gouverner de tout régime syrien (qu'il s'agisse d'un régime Assad affaibli ou d'un régime reposant sur une coalition fragile d'organisations rebelles). Dans lescénario le plus probable d'un gouvernement instable à long terme ayant son centre administratif à Damas, le Front Al-Nusra pourrait sortir renforcé et influent sur les événements en Syrie. Il devrait essayer d'exploiter son statut pourpromouvoir sonobjectif final (et celui d'Al-Qaïda) de transformer la Syrie en ligne de front d'Al-Qaïda au cœur du Moyen-Orient, en étroite proximité géographique avec Israël, l'Europe et les Etats arabo-musulmans pro-occidentaux.

17.Le processus de renforcement du Front Al-Nusra en Syrie (sans même prendre le contrôle du pays ou de la révolution) a le potentiel d'être régionalement et internationalement menaçant :

a.Transformer la Syrie et d'autres pays frontaliers avec Israël en centres de terrorisme du jihad mondial anti-israélien :

1)Idéologiquement, pour le Front Al-Nusra et les autres organisations jihadistes salafistes opérant en Syrie, l'Etat d'Israël doit être annihilé. Le califat islamique qui sera instauré dans la Grande Syrieinclura la Syrie, la Jordanie, le Liban et la "Palestine". Dans la première vidéo publiée par le Front al-Nusra après sa fondation, on voit une photo du Dôme duRocher à Jérusalem avec le drapeau du Front Al-Nusra et du jihad mondial. Le 12 février, 2012, Aymanal-Zawahiri, le dirigeant d'Al-Qaïda, a déclaré qu'après la chute du régime syrien, la Syriedeviendrait une base pour la guerre du jihad dont objectif sera de "fonder un pays pour défendre les terres musulmanes, libérer le Golanet poursuivre le jihad jusqu'à ce que les drapeaux de la victoire flottentau-dessus des collines de Jérusalem occupée". D'autres activistesdu Front Al-Nusra ont tenu des déclarations similaires.

2)Pratiquement, le FrontAl-Nusra devrait établir une infrastructure terroriste active sur le plateau du Golan, en continuation à l'infrastructure militaire qu'il met en place à Daraa au Sud-Ouest de la Syrie. Selon nous, le Hezbollah et les organisations terroristes palestiniennes devraient tenter de s'intégrerdans les activités terroristes du plateau du Golan, en dépit des différences idéologiques fondamentales entre eux et le Front Al-Nusra et d'autres organisations du jihad mondial. En outre, selon nous, le Front Al-Nusra devrait également tenter de rejoindre des réseaux et organisations jihadistes dans les pays limitrophes d'Israël pour l'attaquer (commeAnsar Bayt al-Maqdis dans la péninsule du Sinaï, les Brigades Abdullah Azzam au Liban, et le Conseil de la Choura des combattantsdans les environs de Jérusalem dans la bande de Gaza).

Dans une vidéo publiée le 12 février 2012,  Ayman al-Zawahiri appelle à la création d'un Etat aspirant à libérer le plateau du Golan et à mener un jihad contre Israël "jusqu'à ce que les drapeaux de la victoire flottent sur les collines de Jérusalem occupée "(YouTube.com)
Dans une vidéo publiée le 12 février 2012,  Ayman al-Zawahiri appelle à la création d'un Etat aspirant à libérer le plateau du Golan et à mener un jihad contre Israël "jusqu'à ce que les drapeaux de la victoire flottent sur les collines de Jérusalem occupée "(YouTube.com)

b.Prendre le contrôledes armes de pointe du régime syrien, y compris des armes chimiques: le Front Al-Nusra et les autres organisations dujihad mondial s'efforcent continuellement de prendre le contrôle des dépôts d'armes du régime syrien. Ils pourraient également être en mesure de récupérer des armes fournies à l'Armée syrienne libre et aux autres organisations en relation avec l'Occident.[3]En outre, alors que le régime syriens'affaiblit,les systèmes syriens d'armes chimiques et biologiques pourraient tomber aux mains du Front Al-Nusra et des autres organisations jihadistes. Ces groupes pourraient les utiliser à des fins terroristesen l'absence de considérations de contrainte qui influencent les autres organisations terroristes comme le Hezbollah et les organisations terroristespalestiniennes. En outre, les armes de la Syrie pourraient être transférées à d'autres arènes d'activité terroriste, comme cela s'est produit en Libye (armes pillées des arsenaux du régime libyen retrouvées dans des centres terroristes, y compris dans la bande de Gaza).

c.Exporter le terrorismeen Occident : Après avoir acquis une expérience opérationnelle et des aptitudes au combat en Syrie, les jihadistes pourraient établir des infrastructures terroristes en vue de commettre des attaques terroristes dans leurs pays d'origine.Ils pourraient le faire de leur propre initiative ou selon les directives du Front Al-Nusra et des autres organisations jihadistes (sorte de retour au modèle de l'Afghanistan dans les années 1980 et 90). Bachar al-Assad, interrogé par le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung le 17 juin 2013, a mis en garde l'Union européenne : "Si les Européens fournissent des armes [aux rebelles], la cour de l'Europe deviendra un refuge pour les terroristes, et l'Europe devra en payer le prix".

d.Devenir un centre régional de terrorismeet la subversion: Un foyer du jihad en Syrie pourrait représenter un danger pourles pays arabo-musulmans pro-occidentaux. Des pays comme la Jordanie, l'Arabie Saoudite, le Qatar et l'Egypte, qui, d'une manière ou d'une autre, soutiennentle soulèvement anti-Assad, pourraient se retrouver des cibles de subversion et de terrorisme basés en Syrie.[4]Les organisations du jihad mondialopérant en Syrie pourraient  collaborer avec les groupes jihadistes salafistes dans les pays arabo-musulmans dans l'objectif de renverser leurs régimes.Le renforcement du Front Al-Nusra et des autres organisations jihadistes en Syrie, et leur nature musulmane sunnite, se font déjà ressentir au Liban et ont conduit à des tensions et à des affrontements violents entre chiites et sunnites dans tout le monde arabo-musulman.

18.Les États-Unis sont conscients des dangers potentiels inhérents à la crise syrienne.Le 6 août 2013, Michael Morell, le directeur adjoint de la CIA, interviewé par le Wall Street Journal, a qualifié la crise en Syrie de "menacecentrale" posée aux Etats-Unis aujourd'hui, et a averti que la chute du régime syrien, qui possède
des armes chimiques et des armes de pointe pourraittransformer laSyrie en refuge sûr remplaçant le Pakistan. Il a ajouté que la violence en Syrie pourrait empiéter sur les pays voisins, la Liban, la Jordanie et l'Irak (Site Internet du Wall Street Journal, 6 août 2013).
Notes méthodologiques

19. La principale difficultéméthodologique dans la préparation de cette étude a été le manque de perspective historiquesur la guerre civile syrienne. L'étude a été achevée à l'Eté 2013 à une époque la guerre battait son plein et son sort était loin d'être scellé. Un examen plus approfondi du Front Al-Nusra, de ses capacités, de  ses intentions, de sa place en Syrie après la guerre et de son influence sur Israël, le monde arabo-musulman et l'Occident, devra être effectué à l'avenirà la lumière des résultats de la guerre et des développements régionaux et internationaux. Cependant, même maintenant, il est possible de décrire la nature de l'organisation, ses méthodes de fonctionnement et de tenter d'évaluer la variété desdangers potentiels qu'elle représente pour le Moyen-Orient et le monde en général.

20. Une autre difficultéa été le manqued'informations fiables et détaillées sur les organisations affiliées à Al-Qaïda et au jihad mondial opérant en Syrie aux côtés des organisations rebelles. Les côtés rivaux (partisans et opposants du régime) délivrenthabituellement des rapports biaisés dont le seul objectif est de servir leurs propres intérêts. (Chaque côté prétend gagner et chaque côté calomnie l'autre). Une autre difficulté est liée à la nature du Front Al-Nusra et de l'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie, deux organisations fermées, décentralisées ayant de nombreux ennemis et soucieuses de préserverle secretet qui ne révèlent pas, même à leurs propres membres, des informations sur leurs dirigeants ou sur leur fonctionnement.

21. L'étude se concentresur le front Al-Nusra, la principale organisation jihadiste opérant en Syrie, qui joue un rôle important au sein des rebelles. Toutefois, pour compléter le tableau,l'étude porteégalement sur l'État islamique en Irak et la Grande Syrie et d'autres organisations jihadistes salafistes, mais avec moins de détails.

22. L'étude est basée sur l'analyse et le référencement croisé des informations disponibles, notamment des publications affiliées au FrontAl-Nusra (vidéos, communiqués, revendications de responsabilité, entretiens avec les membres de l'organisation). En outre, desinformations diffusées sur Internet et dans différents médias syriens, arabes et occidentaux (à souligner le site Internet Syria Comment, qui publie des articles importants sur la guerre civile syrienne et le rôle des organisations jihadistes) ont été utilisées. Des informations utiles ont été piochées dans les rapports de correspondants occidentaux et parfois arabes ayant visité les régions sous le contrôle du Front Al-Nusra au Nord et à l'Est de la Syrie, ayant rapporté depuis le terrain les activités de gouvernance du Front Al-Nusra et d'autres organisations rebelles, et ​​l'état d'esprit de la population locale, malgré les limites imposées à leur travail[5].

23. Cette étude a égalementutilisé plusieurs rapports publiés en 2012-2013 par des instituts de recherche occidentaux spécialisés dans Al-Qaïda et l'Islam radical :

1) La Fondation Quilliam, un think tank basé à Londres, a publié un rapport, apparemment à la mi-2012, intitulé "Jabhat al-Nusra : Jabhat al-Nusra li-Ahl al-Sham min Mujahedi al-Sham fi Sahat al-Jihad, A Strategic Briefing" (sans date ni nom d'auteur).

2)L'International Crisis Group, une organisation internationale qui s'engage à prévenir et à résoudre les conflits meurtriers, a publié une étude le 12 octobre 2012 intitulée "Tentative Jihad : L'opposition fondamentaliste de la Syrie" (pas de nom d'auteur).

3)The International Center for the Study of Radicalizalim(ICSR), un think tank britannique basé au King's College de Londres, dont l'article d'Aaron Y. Zelin sur les combattants étrangers en Syrie a été particulièrement  utile.

Structure de l'Etude
Principaux points :

1.      L'enracinementd'Al-Qaïda en Syrie

2.      Evaluation descapacités militaires du Front Al-Nusra

3.      L'aide civileà la population syrienne

4.      Evaluation desrisques pour Israël, l'Occident et les pays arabo-musulmans et pro-arabes

5.      Notes méthodologiques

Première partie : Circonstances de la création du Front al-Nusra et sa place au sein des autres groupes rebelles

1.      Caractéristiques générales de la guerre civile en Syrie

2.      Enracinement d'activistes d'Al-Qaïda en Syrie avant la création du Front al-Nusra

3.      Annonce de la création du Front Al-Nusra (24 janvier 2012)

4.      Division entre les branches d'Al-Qaïda en Syrie et en Irak

5.      Emergence de l'organisation de l'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie comme concurrent du Front al-Nusra

6.      Collaboration du Front al-Nusra avec les organisations rebelles islamiques:

a.    Aperçu général

b.    Principales organisations islamiques collaborant avec le Front al-Nusra

c.    Cadres militaires conjoints entre les organisations islamiques et le Front al-Nusra

7.      Relations entre le Front al-Nusra et l'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie

8.      Liens du Front al-Nusra et de l'Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie avec l'Armée syrienne libre

9.      Confrontation entre Front al-Nusra et l'Etat islamique et les Kurdes

Deuxième partie : L'idéologie du Front al-Nusra

1.   Aperçu général

2.   Identification idéologique du Front al-Nusra avec Al-Qaïda

3.   Affiliation idéologique de l'Etat islamique avec Al-Qaïda

4.   Signification du nom Front al-Nusra ("Front de soutien")

5.   La Grande Syrie comme arène de lutte historique pour l'islam

6.   L'objectif principal du Front al-Nusra

7.   Caractère anti-occidental du Front al-Nusra

8.   Hostilité envers Israël

9.   La conception du jihad

10.   La conception "takfiriste" du Front al-Nusra

a. Aperçu général

b. L'hostilité envers les chiites et les alaouites

c. Attaques contre les chrétiens et les membres d'autres religions, destruction des statues et attaques contre des installations et des symboles religieux

Troisième partie : Structure du Front Al-Nusra, sa direction et son fonctionnement

1.      Puissance du Front al-Nusra et zones de déploiement

2.      Structure du Front al-Nusra

3.      Direction du Front al-Nusra

4.      Sécurité et renseignements

5.      Collecte de fonds

6.      Achat d'armes et contrebande en Syrie

Quatrième partie : Composition humaine du Front al-Nusra

1.   Les volontaires étrangers et leurs caractéristiques personnelles

2.   Estimation du nombre de volontaires étrangers

3.   Activistes étrangers tués dans les combats en Syrie

4.   Activistes du monde arabo-musulman

5.   Activistes des pays occidentaux

6.   Recrutement au Front al-Nusra et formation des recrues

7.   Endoctrinement et formation militaire des enfants et des adolescents

Cinquième partie : Activités militaires du Front al-Nusra

1.   Méthodes de combat  – Caractéristiques générales

2.   Explosion de véhicules piégés par des terroristes suicide

3.   Explosion de voitures piégées à distance

4.   Explosion de motos piégées

5.   Attaques d'aérodromes

6.   Attaques contre de bases de l'armée syrienne dans les régions rurales

7.   Utilisation d'engins piégés

8.   Attaques de postes-frontières

9.   Tirs de roquettes

10.   Attaques de barrages routiers

11.   Exécution d'otages

12.   Activités du Front al-Nusra au Sud de la Syrie :

a. Région de Daraa

b. Plateau du Golan

13.   Réaction du Front al-Nusra à l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien

Sixième partie : Remplissage du vacuum politique par le Front al-Nusra et les autres organisations jihadistes

1.   Aperçu général

2.   Activités gouvernementales et civiles du Front al-Nusra dans les divers gouvernorats :

                       a.    Gouvernorat d'Al-Raqqa

                       b.    Gouvernorat d'Alep

                       c.    Gouvernorat de Deir ez-Zor

                       d.    Gouvernoratd'Idlib

                       e.    Gouvernorat d'Al-Suwayda

3.   Gestion des champs de pétrole et de gaz au Nord et à l'Est de la Syrie

Septième partie : La bataille pour les cœurs et les esprits du Front al-Nusra

1.   Aperçu général

2.   Le réseau médiatique du Front al-Nusra

                       a.    Al-manara al-baydhaa

                       b.    Sites Internet

3.   Caractéristiques de la Gestion médiatique du Front al-Nusra

                       a.    Aperçugénéral

                       b.    Prédication dans les mosquées

                       c.    Diffusion de cassettes

[1]Le nom completde l'organisation est Jabhatal-Nusra li-Ahl al-Sham, ("Le Front de soutien aux résidents de la Grande Syrie"). L'expression al-Sham peut être traduite comme "Syrie" ou "Grande Syrie". Cependant, en raison de la conception islamique mondiale du Front Al-Nusra et de ses objectifs, qui vont au-delà de laSyrie, elle doit être traduite comme "Grande Syrie". L'organisation est généralement appelée FrontAl-Nusraet ce nom sera celui utilisé dans cette étude.
[2]"L'Etat islamique en Irak" est un réseau de groupuscules jihadistes salafistes dépendant d'Al-Qaïda en Irak.
[3]Le ministre russe desAffaires étrangères Sergueï Lavrov a souligné que les armes envoyées en Syrie risquaient detomber aux mains du Front Al-Nusra. Selon lui, "Le Front Al-Nusra est la structure d'opposition la plus efficace et la majorité des armes qui ont été fournies à la Syrie seront distribuées via cette organisation extrémiste. J'en suis sûr" (http://eaworldview.com/2013/06/syria-today-the-war-on-the-economy). Malgré son parti pris évident (faisant écho à latactique du régime syrien d'exagérer la menace jihadiste), sa déclaration reflète apparemment une véritable préoccupation qui n'est pas sans fondement (en raison notamment de la présence d'une unité de combat militaire tchétchène dans les rangs du Front Al-Nusra).
[4]Le journal Al-Quds al-Arabi, publié à Londres, a indiqué que les forces de sécurité jordaniennes suivaient de près ce qui se passe dans la ville de Ma'an, au Sud de la Jordanie, en raison des informations selon lesquelles des jihadistes jordaniens en relation avec l'étranger y cacheraient des armes et des munitions. Dans un raid effectué au domicile d'un résident du Sud de la Jordanie, les forces de sécurité jordaniennes ont découvert des armes dans l'un des bâtiments, y compris des fusils et des mitrailleuses. (alquds.co.uk, 16 juillet 2013).
[5]Néanmoins,on peut supposer que les correspondants occidentaux et arabes visitant les régions contrôlées par les jihadistes sont limités dans ce qu'ils peuvent rapporter et sont parfois en danger de mort. Le 22 août 2013, un article a été publié dans le New York Times sur un photographe américain capturé par le Front Al-Nusra. Il a été torturé, mais a réussi à s'échapper après environ sept mois. Selon l'article, en 2013, il y avait 17 ressortissants étrangers en Syrie qui ont été enlevés ou ont disparu.