Le phénomène des volontaires étrangers des pays occidentaux qui combattent en Syrie, la plupart dans les rangs des organisations rebelles proches d’Al-Qaïda et du jihad mondial *


Message à l'Occident d'un volontaire américain tué en Syrie

Message à l'Occident d'un volontaire américain tué en Syrie

Un volontaire étranger (apparemment américain) baptisé Abu Dujana al-Amriki, tué dans les combats en Syrie. Il apparaît dans une vidéo de l'État islamique, la branche d'Al-Qaïda en Irak, avec derrière lui le drapeau d'Al-Qaïda. Il déclare :"…Ceci est un message aux Occidentaux de la part des combattants du jihad en Syrie. Nous sommes venus de diverses nationalités pour défendre notre terre, cette terre islamique, afin de diffuser la charia d'Allah sur la terre et de sacrifier nos vies et nos âmes pour le jihad. Nous sommes venus pour tuer tous ceux qui se tiennent sur notre chemin. Ce drapeau [d'Al-Qaïda] flottera sur les capitales des pays du monde. Avec cette arme simple, [montrant son fusil], nous allons libérer nos terres et nos gens et diffuser la loi islamique afin qu'elle règne sur toute la terre…" (Site Internet Weaselzippers.us)


Aperçu général [1]

1.   Cette étude, qui est la suite de celle portant sur le phénomène des volontaires étrangers en Syrie, traite des volontaires des pays d'Occident qui combattent aux côtés des rebelles. Nous estimons leur nombre à au moins 1600, la plupart étant originaires des pays d'Europe de l'Ouest. L'estimation maximale est de près de 2100 volontaires étrangers. La différence entre l'estimation minimale et la maximale sera expliquée par la suite. Le retour des volontaires dans leur pays d'origine après qu'ils aient suivi une formation militaire et un endoctrinement idéologique, représente un potentiel de terrorisme et de rébellion.

2.   Cette étude passe en revue les pays d'Occident d'où sont originaires les volontaires, selon deux zones :

         a.      Les pays européens (d'où arrivent la plupart des volontaires d'Occident)

         b.      Les autres pays occidentaux(Etats-Unis, Canada, Australie)

3.   L'estimation présente est plus élevée que notre précédente, qui évaluait à plus de 1000 le nombre de volontaires des pays occidentaux. La différence s'explique  par l'augmentation drastique du nombre de volontaires arrivés en Syrie au cours du second semestre de l'année 2013. Une autre raison est, selon nous, la prise de conscience plus importante du phénomène et de ses dangers en parallèle à un meilleur suivi par les autorités des pays occidentaux des volontaires partant pour la Syrie et revenant dans leur pays d'origine[2].

Pays européens
Estimation du nombre de volontaires européens

4.   L'écart entre les estimations existantes au sujet des volontaires européens est vaste pour plusieurs raisons : la vitesse de recrutement, notamment au cours du second semestre 2013 (rendant la plupart des estimations précédentes non pertinentes), les informations partielles sur les volontaires, l'absence de recensement ordonné, le retour d'une partie des volontaires dans leur pays d'origine, leur mort au combat ou leurs blessures, qui ne sont pas toujours prises en compte dans les estimations.

 

5.   A l'occasion d'une réunion du Forum économique international de Saint Pétersbourg en Juin 2013, le Président russe Poutine a déclaré que selon lui,près de 600 combattants européens se trouvaient en Syrie, dont des Russes (RT.com, 21 juin 2013). Depuis ces déclarations, plusieurs centaines de volontaires européens ont rejoint les rangs des rebelles, ce qui rend ce nombre non actuel. L'Institut américain Gatestone estime le nombre de volontaires européens à près de 1000, mais cette estimation est, selon nous, également inactuelle. Des nombres plus importants ont été donnés dans d'autres estimations actuelles. Ainsi, selon une estimation basée sur des "services de sécurité européens", le nombre varie de 1000 à 1700 (Newsmax.com, 9 décembre 2013). D'autre part, selon la ministre belge de l'Intérieur Joëlle Milquet, "concernant les Européens, nous estimons [leur nombre] à entre 1500 et 2000, de ce que nous savons de nos homologues" (EJP, 15 décembre 2013).

Nombre de volontaires dans les divers pays

6.   Les pays européens d'où sont originaires les volontaires étrangers peuvent être divisés en trois catégories :

a. Les pays ayant une forte participation, dont le nombre de volontaires étrangers peut atteindre plusieurs centaines. Il s'agit de la Grande-Bretagne, la Belgique, la France, la Hollande, l'Allemagne et les pays des Balkans (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Albanie et Macédoine). Le plus grand nombre viennent de Grande-Bretagne (plus de 300).

b. Les pays avec une participation moyenne, dont le nombre de volontaires oscille de plusieurs dizaines à une centaine. Il s'agit de l'Irlande, l'Espagne, l'Italie, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège et l'Autriche.

c. Les pays ayant une faible participation, avec une dizaine ou moins de volontaires. Il s'agit de la Bulgarie, l'Albanie, la Hongrie, la Roumanie et la Suisse.

7.   Ci-après un tableau récapitulatif des diverses estimations du nombre de volontaires des pays européens. La plupart sont basées sur des estimations des services de renseignements et de sécurité, ou sur les nombres d'experts et d'institutions publiés dans les médias européens et américains :

Remarques

Nombre de volontaires

Pays

 

Nombre basé sur l'estimation des services de  renseignements britanniques, publiée dans les médias britanniques

200-350

Grande-Bretagne

1

200-300

Belgique

2

D'après les médiasirlandais

10-26

Irlande

3

Nombre basé sur des estimations récentes publiées dans les médias et basées sur des sources sécuritaires

200-220

France

4

D'après les médias hollandais

100-200

Hollande

5

La plupart des volontaires sont de la région espagnole du Maroc

Entre plusieurs dizaines et une centaine

Espagne

6

Selon des sources notamment basées sur la communauté musulmane locale

45-60

Italie

7

D'après un rapport du ministère fédéral de Protection de la loi (BFV), publié dans la presse locale

Plus de 200

Allemagne

8

Estimation des services de sécurité danois publiée dans la presse locale

Environ 65

Danemark

9

Selon un rapport annuel des services de sécurité suédois, publié dans la presse locale

Près de 30

Suède

10

Estimation des services de sécurité finlandais publiée dans la presse locale

Quelques dizaines

Finlande

11

Estimation des services de sécurité norvégiens publiée dans la presse locale

Environ 30-40

Norvège

12

D'après un journal autrichien

Plusieurs dizaines

Autriche

13

 

Quelques-uns

Ukraine

14

Estimation des services de sécurité hongrois publiée dans la presse locale

Environ 12

Hongrie

15

 

1

Luxembourg

16

 

1

Suisse

17

 

Au moins  1

Roumanie

18

 

1

Bulgarie

19

D'après les médias locaux,quelques dizaines de volontaires ont séjourné en Syrie et sont rentrés en Bosnie 

Quelques dizaines

Bosnie Herzégovine

20

 

Environ 100

République du Kosovo

21

 

Des dizaines

Macédoine

22

Le nombre comprend les volontaires d'origine albanaise vivant en dehors d'Albanie

Plus de 100

Albanie

23

 

Une poignée

Serbie

24

Ne comprend pas les combattants du Nord Caucase

Une poignée

Russie

25

Un mort arménien a été signalé

Une poignée

Arménie

26

 
Profil général des volontaires européens

8. L'examen de l'ensemble des volontaires européens combattant en Syrie permet de déterminer leurprofil général (des informations sur les différents pays seront données ci-après) :

1) Pays d'origine : La plupart des volontaires viennent des pays d'Europe occidentale où il existe d'importantes communautés musulmanes (Grande-Bretagne, Belgique, France, Hollande et Allemagne). Un grand nombre de volontaires viennent aussi des pays scandinaves (Danemark, Suède, Norvège et Finlande) et des Balkans (Bosnie-Herzégovine, Albanie et Kosovo).

2) Motivation : La plupart des volontaires étrangers partagent une idéologie salafiste jihadiste, certains partent dans le but de réaliser leur idéologie et d'importer par la suite l'islam salafiste jihadiste dans leur pays d'origine. D'autres volontaires se rendent en Syrie pour d'autres raisons (identification à la souffrance du peuple syrien, désir de participer à la chute du régime Assad, désir d'aventure)[3].

3) Les organisations que rejoignent les volontaires étrangers : La plupart rejoignent leFront Al-Nusra et l'État islamique (le Front Al-Nusra est plus sélectif dans l'acceptation de volontaires étrangers que l'Etat islamique). Certains rejoignent Jaish al-Muhajirin wal-Ansar, affiliée à l'Etat islamique. D'autres rejoignent diverses organisations islamiques extrémistes ou modérées, ou l'Armée syrienne libre.[4]Le taux de volontaires occidentaux recrutés dans les rangs d'organisations affiliées à Al-Qaïda et au jihad mondial est plus élevé selon nous que celui des autres volontaires étrangers qui arrivent en Syrie.

4) Age, religion et origine : La plupart des volontaires étrangers sont âgés d'une vingtaine d'année, sont des musulmans sunnites, de la deuxième (voire troisième) génération d'immigrés musulmans. Les principaux sont des volontaires d'origine marocaine, mais également ceux d'origine turque, kurde, syrienne, pakistanaise, libanaise, albanaise et même somalienne. Il existe également dejeunes chrétiens convertis à l'islam et qui se sont radicalisés (une minorité).

5) Sexe et situation de famille : La plupart des volontaires sont deshommes célibataires. Dans de rares cas, des femmes et des enfants rejoignent leurs maris et pères en Syrie. Au cours du second semestre 2013, il a été signalé que certains des volontaires étaient mariés et qu'une partie avait laissé leur famille dans leur pays d'origine et que d'autres étaient venus avec. Un volontaire allemand surnommé Abu Talha a appelé sur un forum jihadiste les hommes mariés à se rendre en Syrie avec leurs familles afin de ne pas les laisser dans les "pays des infidèles". Toutefois, il leur a d'abord conseillé de se rendre en Syrie et d'y louer des appartements, et alors seulement de faire venir leurs familles (MEMRI, 16 décembre 2013).

6) Education :Des individus instruits et des professionnels de la classe moyenne ont été identifiés parmi les volontaires étrangers. Il y a aussi des étudiants qui ont abandonné leurs études pour rejoindre les rebelles.

7) Casier judiciaire : Plusieurs volontaires étrangers ont été identifiés comme ayant un casier judiciaire (principalement pour des infractions mineures). Nous n'avons pas pu déterminer leur nombre total.

8) Compétence militaire : Selon nous, la plupart des volontaires européens n'ontpas de compétences militaires préalables. Une fois qu'ils arrivent en Syrie, ils suivent une courte formation militaire dans des camps militaires désignés (environ 45 jours), après quoi ils sont dispersés dans les différentes unités. Dans certains cas (Hollande, Grande-Bretagne), des rapports font état de formations de base proposées localement en vue du départ en Syrie. On peut supposer que ces formations sont également données dans d'autres pays européens.

9) Zones de combat des volontaires étrangers : A en juger par le nombre de volontaires étrangers tués, la plupart d'entre eux sont envoyés dans la région d'Alep. Cependant, des volontaires européens ont été tués dans toutes les zones de combat en Syrie.

Financement et soutien au départ en Syrie

9. Initialement, les volontaires se rendaient en Syrie de manière individuelle et finançaient apparemment le voyage eux-mêmes. Selon nous, par la suite, le soutien aux volontaires s'est institutionnalisé et des réseaux musulmans locaux des différents pays ont été recrutés pour leur venir en aide.

10. Il existe deux catégories de financement :

1) Financement du départ : Le voyage pour la Syrie, relativement peu coûteux, est généralement financé par les volontaires eux-mêmes ou par les communautés musulmanes locales. Le financement provient de dons destinés à des fins diverses (charité, aide humanitaire à la population syrienne), recueillis principalement dans les mosquées et les centres islamiques. La population musulmane locale n'est pas toujours au courant que ses dons servent à financer  le départ de volontaires en Syrie.

2) Le financement du séjour en Syrie : Apparemment, le séjour en Syrie est financé par les organisations affiliées à Al-Qaïda et par d'autres organisations rebelles que rejoignent les volontaires. Les volontaires sont logés dans des appartements ou des maisons et les organisations s'occupent de tous leurs besoins. Ils recevraient également un salaire mensuel.

11. Un volontaire allemand en Syrie surnommé Abu Talha a appelé les volontaires à ne pas laisser le manque d'argent les empêcher de partir pour la Syrie pour rejoindre les combattants du jihad. Dans une vidéo publiée sur un forum jihadiste le 8 décembre 2013, il a conseillé aux volontaires d'économiser les versements de la sécurité sociale dans leur pays pendant deux ou trois mois et de recueillir des dons (MEMRI, 16 décembre 2013). Il leur a également conseillé d'apporter de l'argent avec eux pour couvrir leurs dépenses, y compris les prix et les vêtements nécessaires à leur survie, ajoutant qu'une fois en Syrie, les besoins quotidiens seraient couverts.

12. Des réseaux salafistes jihadistes dans les différents pays européens ont été recrutés pour le soutien aux rebelles. Certains des réseaux, appelés "Sharia4", ont été impliqués dans le soutien aux volontaires rejoignant les organisations affiliées au jihad mondial.[5]Dans certains cas, les réseaux étaient interconnectés. Le principal réseau est Sharia4Belgium, dirigé par un jihadiste du nom de Fouad Belkacem, alias Abu Imran, impliqué dans l'envoi d'au moins 70 volontaires belges en Syrie (environ un tiers du nombre total de Belgique). Des mesures ont été prises à l'encontre du réseau et de son chef par les autorités belges. Des réseaux similaires ont été mis en place dans d'autres pays européens, dont la Hollande et le Danemark. En Italie, une tentative a été faite d'établir Sharia4Italy. Cependant, dans certains cas, les volontaires étrangers ont été influencés par la propagande salafiste jihadiste disponible sur Internet, et pas nécessairement par des réseaux ou des dignitaires musulmans locaux.

Organisations "Sharia4"  dans plusieurs pays européens

13. Europol, l'agence d'application de la loi de l'Union européenne, dans son rapport annuel résumant l'année 2012, a déclaré ce qui suit : "En 2012, des groupes musulmans radicaux, en utilisant un nom composé de "Sharia4" et du nom d'un pays ou d'une région, tels que Sharia4Belgium et Sharia4Holland, ont bénéficié d'une importante attention en raison de leurs manifestations et de leurs déclarations controversées. Ces groupes ont fait attention à ne pas inciter leurs partisans à commettre des actes de terrorisme. Néanmoins, ils vénèrent les groupes terroristes et présentent les auteurs d'attentats terroristes comme des héros. Par ces activités, les groupes Sharia4 contribuent à la diffusion d'une interprétation intolérante de l'islam, y compris le soutien à des actes de violence au nom de la religion, dans la sphère publique, exposant ainsi les activistes à des idées radicales. Les membres de ces groupes, qui cherchent activement à provoquer des non-musulmans, ont pris à partie en 2012 les forces publiques dans plusieurs États membres. Il y a des indications que l'idéologie propagée par Sharia4Belgium et d'autres groupes a contribué à la radicalisation et à l'engagement de citoyens de l'UE dans le conflit syrien" (Europol TE-SAT 2013, article 2.2, page 28).

Arrivée en Syrie

14. Les volontaires étrangers atteignent la Syrie via la Turquie, qui leur sert de "canal d'oxygène". La plupart des volontaires arrivent à Istanbul par voie aérienne, en prenant des mesures dans leurs pays d'origine pour cacher leur départ aux autorités et parfois à leurs familles (en partant d'autres pays, en achetant des billets à l'aéroport à la dernière minute, en évitant de voyager au sein de grands groupes). D'Istanbul, les volontaires se rendent par avion ou autobus dans des refuges près de la frontière syrienne. De là, ils sont transférés par des contacts et des réseaux locaux aux organisations rebelles en Syrie, en particulier le Front Al-Nusra, et d'autres affiliées au jihad mondial. Le passage de la Turquie à la Syrie est relativement facile, comme l'illustre la photo ci-dessous :

Photo publiée par un activiste britannique sur Facebook montrant la facilité de passer de Turquie en Syrie
Photo publiée par un activiste britannique sur Facebook montrant la facilité de passer de Turquie en Syrie (http://www.vice.com)

Réaction européenne face au phénomène

15. Quelle est l'importance du nombre de jeunes européens qui rejoignent les rangs du Front Al-Nusra et des autres organisations islamiques en Syrie ? Compte tenu du nombre de volontaires et de la taille de la population musulmane d'Europe, dans la plupart des pays, le phénomène n'est pas encore très répandu. Toutefois, leur nombre est en hausse et on peut supposer qu'il va continuer à augmenter. Les services de sécurité européens considèrent le phénomène avec sérieux, craignant qu'à leur retour, les combattants étrangers ayant suivi une formation militaire et un processus de radicalisation en Syrie représentent un potentiel de diffusion de l'extrémisme dans les communautés musulmanes locales et soient éventuellement impliqués dans des activités terroristes (comme cela s'est produit dans le cas des combattants étrangers qui sont revenus d'Afghanistan).

16. Leurs préoccupations ont conduit à un dialogue intérieur européen sur la façon de faire face au phénomène. L'approche de certains pays est que les autorités policières locales devraient prendre des mesures pour empêcher ces jeunes hommes d'aller en Syrie. D'autres prétendent que leur départ est lié aux conditions socio-économiques difficiles des communautés musulmanes, sujet qu'il fauttraiter de manière approfondie dans les domaines économique, social et éducatif, et non nécessairement par rapport au départ pour la Syrie. En outre, l'UE étudie les moyensjuridiques d'empêcher les volontaires de quitter leur pays d'origine et de contrôler leurs activités à leur retour. Il s'agit d'une prise de conscience dela nécessité d'une collaboration européenne et internationale dans la collecte de renseignements sur les combattants étrangers, bien qu'il existe des restrictions juridiques et des difficultés pratiques. Par ailleurs, la volonté de coopérer avec la Turquie a été notée, celle-ci étant, comme on l'a vu,le principal pays de transit pour les combattants étrangers se rendant en Syrie.

17. Dans les faits, la capacité des pays européens à traiter du phénomène activement est limitée, notamment puisque les organisationsrebelles combattant en Syrie n'ont pas été désignées par l'Europe comme des organisations terroristes (à l'exception du Front Al-Nusra, désigné par une partie seulement des pays). Par conséquent, le départ de volontaires pour la Syrie n'est pas nécessairement une infraction aux lois locales et, dans certains cas, il est compatible avec certains appels entendus en Europe à renverser le régime d'Assad. Cependant, dans certains cas, des efforts sont faits pour empêcher le départ de volontaires par le biais d'appels de personnalités des communautés musulmanes, qui ont été invitées par les autorités à les convaincre de ne pas se joindre à la lutte. En outre, des mesures ont commencé à être prises contre des militants et des organismes islamiques chargés d'enrôler les volontaires et les aidant à atteindre la Syrie. Selon nous, ces mesures sont hésitantes et leur influence pratique est encore limitée.

18. En ce qui concernela coopération internationale, il y a des signes d'un début de collaboration. Ainsi, début Décembre 2013, la ministre belge de l'Intérieur Joëlle Milquet a organisé une réunion avec ses homologues de Hollande, de France, de Grande-Bretagne, de Suède, d'Espagne, de Belgique, d'Australie, du Canada et des États-Unis. La réunion portait sur la question des combattants étrangers en Syrie et sur leur influence dans leur pays d'origine à leur retour. Gillesde Kerchove, coordonnateur de l'UE pour lalutte antiterroriste, a présenté ce qu'il a appelé la "menace de sécurité majeure" posée par les combattants étrangers qui ont rejoint les rangs des opposants au régime d'Assad. Il a également appelé à une amélioration de l'échange d'informations entre les représentants des gouvernements des différents pays concernant l'utilisation des routes aériennes pour atteindre la Syrie (European Jewish Press, 15 décembre 2013).

19. En conclusion, il s'agit d'un problème complexe. La plupart des volontaires européens luttent contre le régime d'Assad, auquel sont également opposés les pays européens, qui veulent le renverser. Cependant, les volontaires étrangers rejoignent les rangs des organisations affiliées à Al-Qaïda et au jihad mondial, qui considèrent l'Occident et son idéologie comme des ennemis qui doivent être combattus. En Janvier 2014, les médias ont rapporté que les agences de renseignement européens entretenaient des liens secrets avec des responsables du régime d'Assad afin de contrer l'arrivée de volontaires européens en Syrie désireux de combattre le régime dans les rangs des organisations du jihad. En réponse, Khaled Saleh, le porte-parole de la Coalition nationale syrienne, a déclaré à la BBC que, si ces rapports sont vrais, ils témoignent d'une claire contradiction entre les "paroles et les actions des opposants au régime syrien" ayant clairement identifié le régime d'Assad comme une source de terrorisme dans la région" (BBC, 14 janvier 2014).

* ]A ce sujet, voir notre article de Décembre 2013 intitulé : "Le phénomène des volontaires étrangers en Syrie : L'année écoulée a été marquée par une hausse de l'implication des étrangers dans les combats contre le régime syrien. La plupart ont rejoint les organisations affiliées à Al-Qaïda et au jihad mondial, ont suivi une formation militaire et un processus de radicalisation islamique et pourraient importer le terrorisme et la subversion dans leur pays d'origine à leur retour ("modèle afghan")", à l'adresse http://www.terrorism-info.org.il/fr/article/20607
[1]L'étude dans sa totalité est disponible en anglais : "Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria", à l'adresse http://www.terrorism-info.org.il/en/article/20616
[2]Il s'agit d'un phénomène dynamique. Les estimations publiées dans les pays occidentaux ces derniers mois et qui continuent d'être publiées, sont significativement plus élevées que les précédentes estimations publiées au cours du premier semestre 2013.
[3]Malik al-Abdo, un journaliste syrien basé au Royaume-Uni, a tenté d'expliquer pour quelle raison le conflit en Syrie attire de jeunes volontaires. La plupart de ces jeunes, selon lui, sont essentiellement amateurs de sensations fortes et veulent découvrir le jihad, considéré comme "plaisant" pour certains. Ils portent une arme pour la première fois de leur vie. Ils s'entraînent et cela les excite. Ils y voient une occasion de lutter. Ils voient cela comme une autre étape du jihad et se croient obligés d'y participer à moins de risquer de passer à côté d'une grande opportunité" (http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-19283578).
[4]Pour plus de détails sur ces organisations et leurs liens avec Al-Qaïda, voir notre étude sur le Front Al-Nusra de Septembre 2013, intitulée : "Le Front al-Nusra ("Jabhat Al-Nusra") est un réseau jihadiste salafiste d'Al-Qaïda qui occupe une place centrale au sein des groupes rebelles en Syrie", à l'adresse http://www.terrorism-info.org.il/fr/article/20573
[5]Une partie de ces réseaux ont été "traités" par les autorités locales, cependant, d'autres ont été créées à leur place. Nous ignorons leur statut en raison de leur caractère protéiforme.