Pleins feux sur le jihad mondial (16-22 février 2017)

Aperçu général

Le 19 février 2017, les forces irakiennes, avec le soutien aérien des États-Unis et des pays de la coalition, ont lancé une offensive pour libérer l'Ouest de Mossoul. L'armée irakienne (y compris les unités d'élite antiterroristes) participe à l'offensive, aux côtés de la police fédérale et des milices chiites pro-iraniennes (la "Mobilisation populaire"). Les forces comptent des dizaines de milliers de combattants, face aux quelques milliers de membres de l'Etat islamique défendant l'Ouest de Mossoul. Les forces irakiennes ont lancé l'offensive dans la périphérie Ouest et Sud de Mossoul. À ce point, l'effort de guerre irakien est concentré sur la reprise des installations clés, y compris l'aéroport de Mossoul et la principale centrale électrique fournissant de l'électricité à l'Ouest de la ville. L'Etat islamique, de son côté, poursuit sa guérilla et ses activités terroristes dans l'Est de Mossoul, à Bagdad et ailleurs en Irak. A Al-Bab, au Nord-Est d'Alep, les combats se poursuivent. L'Armée syrienne libre et l'armée turque continuent de nettoyer les quartiers d'Al-Bab et progressent vers le centre-ville. En parallèle, des entretiens ont eu lieu entre le chef d'état-major turc et son homologue américain sur l'après-reprise d'Al-Bab. La Turquie s'efforce d'établir une "zone sûre" sous son contrôle à l'Ouest de l'Euphrate, pour mettre hors service les forces kurdes et neutraliser leur rôle principal dans la campagne d'Al-Raqqah.

 

Principaux développements en Syrie

La région d'Al-Bab

• L'Armée syrienne libre en coopération avec l'armée turque continue de nettoyer la ville d'Al-Bab. Cependant, sa reprise n'est pas encore terminée. Les forces ont repris des territoires à l'Ouest et au Nord de la ville et font route vers le centre-ville tout en fouillant des maisons et des rues. Les médias turcs ont rapporté que dans ces recherches, des engins piégés ont été découvert, ainsi qu'un véhicule piégé (milliyet.com, 21 février 2017).
• Cette semaine également, les combats ont été centrés dans les zones de l'Ouest et du Nord d'Al-Bab. Les forces de l'Armée syrienne libre ont attaqué des cibles de l'Etat islamique avec le soutien de l'artillerie et des frappes aériennes de l'armée turque et de l'armée de l'air russe (TASS, 16 février 2017). Les forces syriennes, qui ont atteint la banlieue Sud de la ville, se sont abstenues d'entrer et font route vers le Sud-Est. Elles ont emprunté la route menant d'Al-Bab à Deir Hafer, ont atteint la ville de Rasm al-Harmal al-Imam (à 7 km de Deir Hafer) et l'ont reprise des mains de l'Etat islamique. Les forces étaient soutenues par des avions russes. Les forces syriennes sont actuellement à la périphérie de Deir Hafer (Qasiyoun, 21 février 2017).

• Le 19 février 2017, Jonathan Jeffrey, alias Abu Ibrahim al-Faransi (cf., le Français), chargé du recrutement de l'Etat islamique en Europe, aurait été capturé par les forces rebelles dans les environs d'Al-Bab (Twitter, 19 février 2017).

Contacts entre la Turquie et les Etats-Unis au sujet des mesures après la reprise d'Al-Bab

• Le chef d'état-major américain, le général Joseph Dunford, est arrivé en Turquie pour rencontrer son homologue turc Hulusi Akar. La réunion a eu lieu à la base aérienne d'Incirlik (Anatolie, 17 février 2017). Lors de leur réunion, le chef d'état-major turc a informé son homologue américain que l'armée syrienne avait repris la plus grande partie du territoire d'Al-Bab (Washington Post, 17 février 2017). Il a précisé qu'il attachait une grande importance à un soutien accru de la part des pays de la coalition dans l'Opération Bouclier de l'Euphrate dirigée par la Turquie en Syrie (Military Times, 18 février 2017).
• Selon la presse turque, lors de la réunion, le chef d'état-major turc a présenté à son homologue américaindeux plans pour une opération conjointe de reprise d'Al-Raqqah. La Turquie préfère opter pour le plan selon lequel les forces spéciales turques et américaines, appuyées par des commandos et les rebelles syriens, pénètreront en Syrie via la ville frontalière de Tal Abyad, sous contrôle kurde. Ces forces se déplaceront vers le Sud vers Al-Raqqah via les territoires contrôlés par les Kurdes. La deuxième option, la moins préférée des Turcs, consiste à diriger les forces d'Al-Bab vers la ville de Manbij, contrôlée par les Forces démocratiques syriennes, et de là faire route vers Al-Raqqah (Habertürk, Reuters, 18 février 2017).Ces plans tiennent compte du fait que les forces kurdes à la périphérie d'Al-Raqqah (voir ci-dessous) seront écartées de leur rôle majeur dans la campagne, et le principal contrôle de l'opération sera placé dans les mains de l'armée turque et des groupes qui la soutiennent. ^[1]

Al-Raqqah

• Les Forces démocratiques syriennes (FDS) continuent de nettoyer la zone au Nord et à l'Est d'Al-Raqqah. Cette activité, accompagnée d'intenses attaques aériennes, menace les infrastructures de l'Etat islamique dans sa prétendue capitale, Al-Raqqah. Dans ce contexte, le porte-parole du Pentagone, Jeff Davis, a déclaré que les États-Unis avaient des preuves quedes responsables et de nombreux fonctionnaires de l'Etat islamique ont commencé à quitter Al-Raqqah en direction des villes de Deir ez-Zor et Adan (située dans la vallée de l'Euphrate, à environ 65 km au Sud-Est d'Al-Raqqah, à mi-chemin entre Al-Raqqah et Deir ez-Zor). Selon le porte-parole du Pentagone, leur départ semble être organisé, et comprend également des membres qui ne sont pas des combattants, ce qui indique que l'Etat islamique sent que la chute de la ville est imminente (Reuters, 17 février 2017).
• Le régime syrien a signalé que l'Etat islamique avait inondé de vastes zones dans la région d'Alepen pompant de grandes quantités d'eau à la station de pompage d'Al-Babiri sur le lac Assad. L'eau est pompée par l'organisation à travers des fossés jusqu'à la zone d'Alep afin d'inonder les villages et les terres. Il est également possible que l'inondation vise à entraver l'avancée des forces syriennes dans la région de Deir Hafer. Le régime syrien a envoyé des équipes techniques et de l'équipement lourd pour détourner le flux de l'eau et minimiser les dégâts (Télévision syrienne, 17 février 2017).
• Le ministère russe de la Défense a indiqué que le 17 février 2017, des bombardiers stratégiques TU-95 ont attaqué des cibles de l'Etat islamique dans les environs d'Al-Raqqah avec des missiles de croisière. Selon les Russes, les bombardiers ont décollé d'une base de l'armée de l'air russe, ont traversé l'espace aérien de l'Iran et de l'Irak, et ont attaqué des camps de formation et un centre de commandement d'une des principales unités de l'Etat islamique. Des avions russes Su-30SM et Su-35S, qui ont décollé de la base Hmeymim en Syrie, ont également participé aux frappes (TASS, 17 février 2017, site 1tv, 18 février 2017). 

La région de Palmyre

• Cette semaine, d'intenses combats se sont poursuivis entre l'Etat islamique et l'armée syrienne.L'organisation a attaqué des troupes syriennes dans la zone  du carrefour d'Al-Bayda al-Sharqiya, à environ 25 km à l'Est de l'aérodrome militaire T-4. Neuf soldats syriens ont été tués (Comités de coordination locale, 16 février 2017). Le ministère russe de la Défense a déclaré que le 16 février 2017, quatre soldats russes ont été tués et deux autres ont été blessés par un engin piégé qui a explosé dans leur véhicule. Ils circulaient dans un convoi de l'armée syrienne sur la route menant à T-4 (Reuters, 20 février 2017).

Sud de la Syrie

• Les combats se sont poursuivis cette semaine dans la ville de Daraa entre les organisations rebelles et les forces syriennes.Les organisations rebelles tentent de compléter la reprise du quartier de Manshiya dans le Sud-Ouest de Daraa. Les forces ont fait irruption dans les lignes de défense de l'armée syrienne et ont repris plusieurs postes-clés (Aranews, 17 février 2017). Les combats se poursuivent toujours à Manshiya, sans victoire d'aucune partie. Les organisations rebelles ont annoncé que depuis le début de leur offensive sur Manshiya, une centaine de soldats de l'armée syrienne et des milices qui la soutiennent ont été tués, dont un commandant iranien (Halab al-Youm, Twitter, 19 février 2017).

• Dans le bassin de Yarmouk, au Sud des Hauteurs du Golan, l'armée Khalid bin Al-Walid, affiliée à l'Etat islamique, a lancé une offensive contre les organisations rebelles. Selon une source de l'armée Khalid bin Al-Walid, l'attaque fait suite à l'encerclement des zones de contrôle de l'organisation par les groupes rebelles, et à l'arrivée prévue des approvisionnements dans ces zones. Selon les médias arabes, l'armée Khalid bin Al-Walid emploierait des véhicules blindés, dont plusieurs chars (Al-Arabiya, 21 février 2017, Aamaq, 20 février 2017).

Principaux développements en Irak

La campagne de Mossoul

• Le Premier ministre irakien Haidar al-Abadi a annoncé que le 19 février 2017, les forces irakiennes ont lancé une offensive pour libérer l'Ouest de Mossoul. L'armée irakienne, les unités d'élite de lutte contre le terrorisme, les forces de police et les milices chiites pro-iraniennes(forces de Mobilisation populaire) participent à l'offensive. L'attaque de l'Ouest de Mossoul est effectuée du Sud et de l'Ouest en raison de la difficulté d'avancer de la partie orientale de la ville vers sa partie occidentale (les ponts sur le Tigre ayant été détruits).
• Selon les hauts responsables de l'armée irakienne, la phase actuelle de la campagne de Mossoul devrait être compliquée par la forte densité de la population de la ville (environ 650 000 habitants) et des fortifications efficaces construites par l'Etat islamique dans l'Ouest de la ville. Environ 30 000 soldats,  ^[2]policiers et milices (chiites)sont censés participer à la campagne (The Guardian, 19  février 2017). Les membres de l'Etat islamique qui défendent la partie occidentale de la ville sont estimés à quelques milliers.^[3]Selon nous, l'inclusion des milices chiites dans la campagne sur l'Ouest de Mossoul pourrait témoigner de l'érosion de l'armée irakienne, principalement parmi ses unités d'élite, à la suite des combats acharnés dans l'Est de Mossoul.
• Peu avant l'offensive sur l'Ouest de Mossoul, l'armée de l'air irakienne a distribué des tracts appelant les habitants de la partie occidentale de la ville à se préparer à l'entrée des forces irakiennes, afin de libérer les résidents de l'emprise de l'Etat islamique. Les tracts appellent également les membres de l'organisation à déposer leurs armes (Al-Jazeera, Al-Arabiya, 19 février 2017).

• L'attaque a débuté par des frappes aériennes intenses et des tirs d'artillerie sur des cibles de l'Etat islamique dans l'Ouest Mosul (BBC en arabe, 21 février 2017). Les forces irakiennes ont lancé une offensive sur les faubourgs à l'Ouest et au Sud de Mossoul. Selon le porte-parole irakien de la campagne, les forces ont repris une zone qui domine l'aéroport de Mossoul et l'autoroute menant à la ville (AP, 22 février 2017). En outre, les forces irakiennes ont repris la principale centrale électrique du Sud-Ouest de la ville, qui fournit de l'électricité à l'Ouest de Mossoul (Spoutnik, 20 février 2017).

Riposte de l'Etat islamique

• L'Etat islamique continue d'attaquer les forces irakiennes qui ont repris le contrôle de l'Est de Mossoul. Un haut responsable irakien de l'armée cité par un journaliste de l'agence de presse turque a déclaré que l'organisation avait tiré des drones armés depuis l'Ouest de Mossoul sur l'Est de la ville. Deux enfants ont été tués et trois autres ont été blessés lors de l'attaque. Dans une autre attaque, un centre médical a été frappé, et 13 civils ont été tués et blessés (aydinlik.com, 21 février 2017).
• Dans le même temps, l'Etat islamique continue à utiliser des terroristes suicide.Le 19 février 2017, des membres de l'organisation ont procédé à deux attentats suicide avec des ceintures piégées à l'Est de la ville : l'une des attaques a été menée dans un restaurant contre des membres des forces de sécurité irakiennes, et l'autre contre un rassemblement des forces de sécurité irakiennes. En outre, l'Etat islamique a revendiqué l'explosion d'une voiture piégée contre l'armée irakienne. Des attaques suicide ont également été menées à l'Est de Mossoul par des adolescents, dont des Yézidis faits prisonnier par l'organisation, convertis de force à l'islam, et ayant subi un processus d'endoctrinement. Selon nous, l'utilisation répandue d'adolescents peut témoigner de ladiminution du nombre de terroristes suicide opérant en Irak, largement utilisés pendant la campagne de Mossoul.
• En parallèle, l'Etat islamique a poursuivi son offensive terroriste en Irak, principalement dans la capitale, Bagdad :

• Dans le quartier d'Al-Baya, dans le Sud-Ouest de Bagdad, une voiture piégée a explosé, tuant 52 personnes et blessant des dizaines d'autres. L'Etat islamique a revendiqué la responsabilité de l'attaque, la plus importante ayant frappé Bagdad depuis le début de 2017 (Al-Jazeera, 17 février 2017, Haqq, 16 février 2017).
• À Madinat Sadr, le quartier chiite de Bagdad,un terroriste suicide a fait exploser une voiture piégée, tuant 18 personnes et blessant environ 50 autres (Reuters, 15 février 2017). L'Etat islamique a revendiqué la responsabilité de l'attentat (Haqq, 15 février 2017).

Le jihad mondial dans d'autres pays

Egypte

Tirs de roquettes sur Israël

• Le 20 février 2017, deux roquettes ont été tirées de la péninsule du Sinaï sur Israël et se sont abattues dans une zone inhabitée près de la frontière israélo-égyptienne, sans faire ni blessé ni dégât. La veille, la Province du Sinaï de l'Etat islamique a annoncé dans un communiqué qu'un drone israélien avait frappé un véhicule et tué cinq membres de l'organisation dans le village de Shibana, au Sud de Rafah (Aamaq, 19 février 2017). Le 21 février 2017, l'Etat islamique a annoncé que ses membres avaient tiré deux roquettes Grad sur le conseil régional d'Eshkol ("la colonie") (Aamaq, 19 février 2017).
• Cette semaine, l'Etat islamique a appelé dans une vidéo à combattre les coptes en Egypte.Un orateur y expliquait que les chrétiens (cf., les Coptes) contrôlent l'économie, les médias et la politique d'Egypte, et sont le fer de lance des "Croisés" (cf., de l'Occident) dans leur guerre contre les musulmans. Par conséquent, selon l'orateur,"les combattants du saint jihad" doivent leur porter atteinte. Plus tard dans la vidéo, un individu baptisé Abu al-Zubayr al-Masri (cf., l'Egyptien) encourage ceux qui ne peuvent pas se battre en Syrie et en Irak à attaquer les Coptes ("les ennemis d'Allah sont devant vous"). L'orateur promet que l'attaque sur l'église copte en Egypte était la première contre les chrétiens en Egypte, et sera suivie d'autres opérations. ^[4]

Pakistan

• Le 16 février 2017,un attentat suicide a été perpétré dans un temple soufi dans la ville de Sehwan, dans le Sud-Est du Pakistan (à environ 177 km au Nord de la capitale, Karachi). Un terroriste suicide a activé des grenades et a fait exploser un gilet piégé à l'intérieur du temple. Environ 70 personnes ont été tuées et quelque 200 autres ont été blessées (dawn.com, 17 février 2017).La Province de Khorasan de l'État islamique a revendiqué la responsabilité de l'attentat terroriste (Aamaq, 17 février 2017). En réponse à l'attentat suicide, plus de 100 terroristes dans l'ensemble du pays auraient été tués dans le cadre d'une opération de l'armée pakistanaise (Reuters, 17 février 2017).

Activités de propagande

Incitation à commettre des attaques suicide

• La Province de Ninive de l'Etat islamique a publié une vidéo encourageant les attaques suicide. La vidéo montre des combattants étrangers de différents pays qui ont rejoint l'organisation et ont décidé de commettre des attentats suicide. Dans la vidéo, ils parlent de leur passé et de leur formation après avoir rejoint l'organisation. La vidéo comprend des photos d'enfants Yézidis enlevés par l'Etat islamique. Les enfants suivent une formation militaire dans les camps d'entraînement et fréquentent des cours de loi islamique (charia). Les enfants Yézidis sont envoyés par l'organisation commettre des attentats suicide à Mossoul et ailleurs.

Al-Qaïda : discours du cheikh Ayman al-Zawahiri

• Le 18 février 2017, la Fondation As-Sahab, la branche information d'Al-Qaïda, a publiéun nouveau discours du cheikh Ayman al-Zawahiri, le chef d'Al-Qaïda,faisant surtout référence à l'Egypte. Ci-après quelques sujets abordés dans son discours :

• Les membres d'Al-Jama'ah Al-Islamiyya(l'organisation de l'assassin d'Anwar Sadat) :Al-Zawahiri les a appelés à reprendre leurs activités et àrevenir à leur apogée.
• Les Frères musulmans: Al-Zawahiri a réprimandé et critiqué le mouvementau titre que ses membres se sont "détériorés" au fildes ans et leur conduite, sous la direction de Mohamed Morsi, estincompatible avec la loi islamique (charia). Il a affirmé que les membres dumouvement doivent"remédier à leurs manières", abandonner les accords de capitulation avec Israël et l'alliance avec les États-Unis, et déclarer le jihad pour la charia.
• La Province du Sinaï de l'Etat islamique : Al-Zawahiri a réprimandé le dirigeant de l'Etat islamique Abu Bakr al-Baghdadi pour les mensonges qu'il a racontés à son sujet.
• À la fin du discours, Al-Zawahiri a détaillé ses priorités en matière dejihad en Egypte et à l'étranger. Selon lui, les intérêts américains et juifssont les cibles les plus importantes à attaquer, suivies par les intérêts des pays de la coalition. La prochaine priorité est d'attaquer les institutions du gouvernement égyptien : les forces de sécurité et de renseignement, les journalistes et les juges.

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