Le Hezbollah comme bras stratégique du régime iranien : le conseiller militaire de Khamenei qualifie Hassan Nasrallah de ”soldat” du dirigeant

Le dirigeant iranien Khamenei source d'autorité du Hezbollah

Le dirigeant iranien Khamenei source d'autorité du Hezbollah

Le général Yahya Rahim Safavi durant son discours dans lequel il a présenté Nasrallah comme un ''soldat'' de  Khamenei.

Le général Yahya Rahim Safavi durant son discours dans lequel il a présenté Nasrallah comme un ''soldat'' de Khamenei.

Cheikh Naim Qassem, le vice-secrétaire du Hezbollah, prononce un discours à l'occasion de l'anniversaire de la mort de Khomeiny (Al-Manar, 3 juin 2009)

Cheikh Naim Qassem, le vice-secrétaire du Hezbollah, prononce un discours à l'occasion de l'anniversaire de la mort de Khomeiny (Al-Manar, 3 juin 2009)


Aperçu général

1.   Le général Yahya Rahim Safavi, conseiller militaire du dirigeant Khamenei, a récemment déclaré qu'il considérait Hassan Nasrallah, le dirigeant du Hezbollah, comme un "soldat [au service] du dirigeant" Khamenei. Ainsi, selon Safavi, il prévoit que le Hezbollah agira contre Israël si ce dernier veut porter atteinte à l'Iran. Safavi a déjà déclaré dans le passé (2008) que Hassan Nasrallah se considérait comme un soldat de Khamenei. Il s'est également vanté que l'arsenal de roquettes de "notre amie l'organisation du Hezbollah"pouvait endommager des villes d'Israël pour des milliards de dollars. D'autres responsables iraniens ont déclaré que l'Iran apportait un soutien conséquent au Hezbollah et que l'organisation était contrainte d'écouter la direction iranienne.

2.   Cheikh Naim Qassem, le numéro deux du Hezbollah, a déclaré dans le passé quele dirigeant Khamenei était la source d'autorité religieuse du Hezbollah et que ce dernier devait obéir à la direction iranienne au sujet de la stratégie et de la guerre contre Israël. Une brochure publiée par le Hezbollah au Liban présente Khamenei comme la source d'autorité religieuse du Hezbollah. Par ailleurs, dans une déclaration officielle de Février 2012, Hassan Nasrallah a déclaré que la position du Hezbollah en cas d'attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes serait testée au moment voulu (selon lui, le Hezbollah aura le cas échant à "penser et décider").

3.   La déclaration de Safavi, l'ancien responsable des Gardiens de la révolution, proche de Khamenei, selon qui Hassan Nasrallah est le "soldat" du dirigeant, contient selon nous un message menaçant envers Israël. Le cœur du message est que Hassan Nasrallah n'a pas de considérations propres sur des sujets stratégiques liés à la sécurité nationale de l'Iran, et ainsi, l'arsenal de roquettes important bâti au Liban sera utilisé en cas de besoin, selon la décision iranienne. Cette décision pourra être prise, notamment, dans le cadre d'une riposte à une attaque contre les installations nucléaires en Iran.

4.   Depuis les six années écoulées depuis la seconde guerre du Liban, l'arsenal de roquettes du Hezbollah au Liban édifié par l'Iran et la Syrie s'est sophistiqué et a triplé. Selon nous, il comprend aujourd'hui près de 60 000 roquettes, y compris des engins à longue portée menaçant le Centre et le Sud d'Israël. Les déclarations iraniennes (et celles de Hassan Nasrallah) témoignent que du point de vue du Hezbollah et de l'Iran, cet arsenal a le potentiel de provoquer des dégâts importants au front civil israélien, pour des coûts de plusieurs milliards, en cas de décision iranienne.
Attentes iraniennes du Hezbollah en cas de confrontation

5.   Le2 Juin 2012, Sidi Yahya Rahim Safavi, l'ancien commandant des Gardiens de la Révolution et actuel conseiller militaire de Khamenei, a accordé une interview à la chaîne de télévision Press TV. Dans l'entretien, Safavi a notamment fait référence à l'implication du Hezbollah dans une possible confrontation entre l'Iran et Israël. Safavi a déclaré que le Hezbollah possédait des milliers de missiles et que dans le cas d'une attaque israélienne sur l'Iran, le Hezbollah agirait probablement contre Israël. Safavi a ajouté voir dans [le chef du Hezbollah] Hassan Nasrallah, "un soldat du dirigeant" Khamenei. Il a ajouté que l'Iran avait lui aussi la possibilité d'attaquer Israël et que ses missiles à longue portée pourraient frapper Israël : "Il n'y a pas un seul point de l'entité sioniste qui ne se trouve pas à portée de nos missiles" (Press TV, 2 juin 2012). Safavi a tenu des propos similaires en 2008 : "… Sid Hassan Nasrallah se considère comme un soldat du dirigeant iranien et les membres du Hezbollah prennent exemple des dirigeants courageux de l'Iran" (Agence de presse iranienne Fars, 16 novembre 2008).

6.   Yahya Rahim Safavi et d'autres responsables iraniens ont fait référence à plusieurs reprises ces dernières années à la question de l'obligation du Hezbollah et des organisations palestiniennes de la bande de Gaza envers l'Iran. Ainsi :

1)     Dans un sermon du vendredi prononcé à Téhéran (3 février 2012), le dirigeant Khamenei a déclaré que l'Iran avait joué un rôle dans la "guerre des 33 jours" menée par Israël au Liban (la seconde guerre du Liban) et dans la "guerre des 22 jours" contre la bande de Gaza (l'Opération Plomb Durci). Ces deux guerres, selon lui, se sont terminées par la défaite du régime sioniste.

2)     Qasim Suleimani, le dirigeant de la Force Quds, a déclaré dans un discours prononcé à Qom que l'Iran possédait des forces au Sud Liban et en Irak. Il a ajouté que ces régions étaient influencées dans une certaine mesure par l'idéologie de la Révolution islamique iranienne. Selon lui, la seconde guerre du Liban ("la guerre des 33 jours") a représenté une victoire pour le Hezbollah, qui a réussi à déplacer la guerre sur le territoire du "régime sioniste". Ainsi, le Hezbollah est passé d'une organisation hostile à une organisation menaçante dotée d'une force de dissuasion (Isna, 19 janvier 2012)[1].

3)     Rahim Safavi, conseiller militaire de Khamenei, dans un entretien à la chaîne de télévision al-Alam, a déclaré: "Il n'est pas nécessaire de cibler la puissance des missiles balistiques de l'Iran sur Israël, il suffit de roquettes Katioucha de notre amie l'organisation du Hezbollah pour détruire des villes construites par Israël pour un coût de milliards de dollars. Israël sait que s'il décide de lancer une guerre, il sera attaqué à partir du front libanais, du front palestinien et du front iranien. Nous n'avons pas delimites dans la quantité et la portée des roquettes. La portée de nos roquettes couvre toute la terre de la Palestine occupée, il n'y a aucun point qui n'est pas sous la portée des roquettes iraniennes"(Chaîne al-Alam, 23 novembre, 2011).

4)     Ali AkbarVeleyati, le conseiller de Khamenei, a reconnu dans une interview à la chaîne Al-Jazeera (25 Juillet 2009) que l'Iran soutenait en grande partie le Hezbollahet le Hamas. Selon lui, sans un tel soutien, il n'y aurait pas eu de victoire dans la seconde guerre du Liban ni dans l'Opération Plomb durci. "Nous avons soutenu pleinement le Hezbollah et nous sommes responsables de l'attaque [l'Opération Plomb Durci] dans la bande de Gaza, [par] notre soutien au Hamas. Je disen toute honnêteté que l'Iran a totalement aidé le Hezbollah. Le Hezbollah pense qu'il est redevable à la direction (iranienne). Bien sûr, la direction de Hassan Nasrallah est extraordinaire. Il a toujours dit que sans l'aide de l'Iran, ils n'auraient pas remporté la victoire [dans la seconde guerre du Liban].La résistance du peuple palestinien à Gaza est en partie grâce à l'aide et au soutien iranien". [2]

Khamenei comme source d'autorité pour le Hezbollah

7.   Cheikh Naim Qassem, le secrétaire général adjoint du Hezbollah, a fait référence dans le passé à la relation entre l'organisation et le dirigeant iranien. Dans une interview au journal libanais An Nahar Alshabab (30 juillet 2009), le cheikh a notamment été interrogé sur les relations entre l'Iran et le Hezbollah. Cheikh Naim Qassem a commencé par expliquer que le Hezbollah était un "parti religieux-politique", de nature chiite, et, en conséquence, il doit demander la légitimité religieuse et politique à la direction, qui a le pouvoir d'accorder une telle légitimité au Hezbollah. Il a précisé que le Hezbollah en tant que parti considérait l'Imam Khomeiny comme le dignitaire religieux lui donnant légitimité. Après lui, le suivant sur la liste, est l'Imam Khamenei, qui "détermine pour nous les grandes lignes qui nous libèrent de la culpabilité et nous donnent légitimité".

8.   Dans la suite de l'entretien, cheikh Naim Qassem a donné un exemple de la signification d'une directive religieuse que le Hezbollah doit recevoir de Khamenei :"si, par exemple, Khamenei affirme que les combats contre Israël sont une obligation en vertu de la loi religieuse, alors celui qui meurt dans la lutte contre Israël est transformé en chahid, selon notre compréhension. Si Khamenei détermine que la guerre est interdite, alors le mort ira en enfer parce qu'il n'a pas été autorisé à participer à cette guerre". Cheikh Naim Qassem a souligné quele Hezbollah ne pouvait pas lancer d'opération contre Israël sans justification religieuse du dignitaire religieux d'Iran,[3] cependant, selon lui, le décisionnaire souverainne doit pas rentrer dans les détails sur la forme de la réalisation de la décision (timing, armes nécessaires, etc.) et la question est laissée aux mains du Hezbollah.

9.   Deux ans avant cette déclaration, cheikh Naim Qassem a tenu des propos semblables. Lors d'une interview accordée le 16 avril 2007 à une chaîne de télévision iranienne en arabe, cheikh Naim Qassem a admis que le Hezbollah ne déterminait pas lui-même sa politique. Il a souligné quele Hezbollah était sous le contrôle des
dirigeants iraniens et devait obtenir le crédit religieux sur toutes les questions relatives à la forme de lutte contre Israël
(en exemple, il a expliqué que les tirs de roquettes ou les attentats-suicide devaient obtenir l'autorisation religieuse de la direction iranienne). Au cours de la même interview, cheikh Naim Qassem a qualifié les sources d'autorité du Hezbollah, Khomeiny et Khamenei, de"wali al-faqih".

10.    Le sens des déclarations de cheikh Naim Qassem, le second de Hassan
Nasrallah, est que les directives politiques et militaires du Hezbollah viennent d'Iran, bien que le Hezbollah ne soit pas seulement une organisation terroriste mais aussi un parti politique libanais influent sur la scène politique intérieure
du Liban. Cheikh Naim Qassem a également précisé que certains principes, dont la sortie en guerre, les tirs de roquettes ou l'exécution d'attentats-suicide exigent l'autorisation de la direction iranienne. Cheikh Qassem a fait valoir que la direction iranienne ne rentrait pas dans les détails sur le mode de réalisation, mais avait la  capacité et les outils pour contrôler "la hauteur des flammes" de la gestion du Hezbollah, le "bras long" du régime iranien à la frontière Nord d'Israël.

11. Malgré l'engagement du Hezbollah envers les décisions du dirigeant iranien, dans une récente déclaration, Hassan Nasrallah a choisi de conserver l'ambiguïté sur toutes les questions relatives à la position du Hezbollah dans le cas d'une attaque israélienne contre les installations atomiques de l'Iran. Selon lui, si Israël attaque les installations nucléaires iraniennes, l'Iran ne demandera rien au Hezbollah et ne lui imposera rien et le Hezbollah aura à penser et à décider quoi faire  (Discours de Hassan Nasrallah à la veille de l'anniversaire de la naissance du Prophète Mahomet, Al-Manar, 7 février 2012). Selon nous, cette position ambiguë vise à ne pas exposer le Hezbollah aux accusations d'une partie de ses adversaires locaux et étrangers le qualifiant "d'agent" de l'Iran et selon lesquelles le Liban pourrait être pris à partie si le Hezbollah était impliqué dans une confrontation entre l'Iran et Israël. En fait, selon nous, il n'y a aucun changement dans l'engagement fondamental du Hezbollah envers les décisions du régime iranien.

12. Par ailleurs, Nasrallah a récemment souligné la capacité du Hezbollah  à frapper le front intérieur israélien. Dans un discours prononcé à l'occasion de la fin des travaux de réhabilitation au Sud de Beyrouth, Nasrallah a déclaré : "Mais  aujourd'hui, je vous annonce, résidents de la banlieue Sud, la main avec laquelle vous avez construit et avec laquelle vous résistez se trouve sur la gâchette pour montrer à Israël l'égalité authentique. Tout bâtiment qui est détruit dans la banlieue [Sud de Beyrouth], des bâtiments de Tel-Aviv seront détruits. Je vais vous révéler un secret, en 2006, d'un certain point de vue, nous aurions pu frapper Tel-Aviv, mais nous voulions défendre la capitale Beyrouth et nous n'avons pas frappé Tel-Aviv. Mais aujourd'hui, nous pouvons battre Tel-Aviv, et par la volonté d'Allah et la force d'Allah, nous pouvons attaquer et frapper des cibles bien définies à Tel-Aviv et partout en Palestine occupée" (Discours à Intiqad, 11 mai 2012).

Organisations terroristes palestiniennes

13. Selon nous, tandis que l'Iran est pratiquement certain que le Hezbollah se joindra à lui en cas de campagne militaire, ce n'est pas le cas concernant les organisations  terroristes palestiniennes. Il faut souligner que dans le dialogue inter-palestinien à ce sujet, les porte-parole du Hamas (Ismaïl Haniya, Salah Bardawil, Mahmoud al-Zahar) ont précisé qu'ils agiraient en fonction des intérêtsdu peuple palestinien, et que le soutien de l'Iran au Hamas n'était pas inconditionnel. A l'inverse, un haut fonctionnaire du Jihad IslamiquePalestinien, organisation étroitement liée aux Iraniens, a déclaré que l'organisation ne pourrait pas rester les bras croisés en cas d'attaque contre l'Iran, "parce qu'une telle attaque aura une incidence sur toute la région à laquelle nous appartenons" (Site Internet Qudsnet, 21 mai 2012).

[1] Cette déclaration a déclenché de vives réactions en Irak et au Liban, conduisant à un déni de l'Iran. Ainsi, par exemple, l'ambassadeur iranien au Liban, Ghazanfar Roknabadi a déclaré que les médias avaient faussé les propos de Suleimani et a affirmé que l'Iran n'intervenait pas dans les affaires intérieures d'autres pays (IRNA, 22 janvier 2012).

[2] A ce sujet, voir notre article du 16 août 2009 intitulé "Deux déclarations inhabituelles sur les relations Iran-Hezbollah : Ali Akbar Veleyati, conseiller du Guide Suprême Khamenei, admet que l'Iran soutient entièrement le Hezbollah. Cheik Naim Qassem, le vice secrétaire-général du Hezbollah, reconnaît que les activités de l'organisation reçoivent l'aval de Khamenei", à l'adresse http://www.terrorism-info.org.il/fr/article/18234

[3] Le titre Wali al-Faqih,"le dignitaire religieux", a été accordé dans le passé à l'ayatollah Khomeiny et à son disciple l'actuel leader Ali Khamenei.