Opération Pilier de Défense – Etat des lieux n°6

Roquette Fajr-5 de fabrication iranienne, d'une portée de 75 km

Roquette Fajr-5 de fabrication iranienne, d'une portée de 75 km

Ziad al-Nakhala : Les armes du JIP sont iraniennes (Télévision Al-Arabiya, 20 novembre 2012)

Ziad al-Nakhala : Les armes du JIP sont iraniennes (Télévision Al-Arabiya, 20 novembre 2012)


Aperçu général

1. Au cours des quatre années écoulées depuis l'Opération Plomb durci, l'Iran a joué un rôle clé dans la réhabilitation et la modernisation des capacités militaires du Hamas (avec lequel des différends ont éclaté sur fond de révolte en Syrie) et du Jihad Islamique Palestinien (le groupe le plus proche de l'Iran). Le rôle de l'Iran se reflète dans la qualité des armes fournies au Hamas et au JIP utilisées dans l'Opération Pilier de Défense. Les autres aspects du soutien militaire iranien sont la formation d'activistes par la force Qods des Gardiens de la Révolution, l'aide financière et l'aide à l'auto-développement et à la production d'armes.[1]

2. Les Iraniens ont mis l'accent sur l'expansion et la modernisation de l'arsenal de roquettes du Hamas et du JIP, qui comprenait également des roquettes à longue portée "Fajr-5" pouvant atteindre Tel-Aviv. La majorité de ces roquettes ont été détruites dans l'une des premières frappes de l'armée israélienne mais les terroristes  possèdent encore une capacité résiduelle, exprimée par les tirs sporadiques de Fajr-5 sur Tel-Aviv et sa région (Gush Dan). Les tirs sur le Gush Dan ont été présentés par le Hamas et le JIP comme le principal exploit de l'opération.

3. Jusqu'à l'Opération Pilier de Défense, les Iraniens et les organisations terroristes palestiniens étaient attentifs à ne pas faire valoir le soutien militaire iranien, y compris dans le domaine du développement des capacités d'artillerie. Pendant l'opération, la politique du JIP et du Hamas a été modifiée et une campagne médiatique (à demande de l'Iran?) a été lancée, insistant sur l'aide militaire apportée par l'Iran, la Syrie et le Hezbollah aux organisations terroristes de la bande de Gaza. Par exemple, le dirigeant du JIP Ramadan Shalah et son second Ziad Nakhala ont salué le soutien iranien au niveau des armes, du financement et des connaissances dans la fabrication artisanale d'armes. Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a également souligné l'importance de l'aide militaire apporté par l'Iran, la Syrie et le Hezbollah et illustrée par la capacité militaire des organisations pendant les combats. Les médias iraniens ont également salué le soutien militaire aux terroristes, en parallèle à des démentis et des critiques (notamment de crainte de poursuites judiciaires en Occident).

4. La révélation du soutien militaire iranien, y compris l'approvisionnement en roquettes Fajr 5, reflète, selon nous, la frustration de l'Iran de la manière dont l'Egypte et ses alliés (Turquie, Qatar) mènent les médiations pour arrêter les combats (Le Caire étant le centre des négociations). Ces pays, selon l'Iran, ont adopté une approche paternaliste du problème palestinien, remportent des gains politiques et de propagande et laissent l'Iran dans l'ombre sans crédit pour le soutien militaire apporté au Hamas et au JIP, qui a permis aux terroristes de combattre contre Israël. Par ailleurs, selon nous, la frustration iranienne est liée au fait que l'Opération Pilier de Défense a démontré le renforcement de l'axe musulman, mené par les Frères Musulmans sur la scène internationale et face aux États-Unis et à l'Occident. Une expression de ceci se retrouve dans des articles récemment publiés dans les médias iraniens, qui au-delà de souligner le soutien au Hamas, ont critiqué les dirigeants arabes de ne pas apporter de soutien concret et véritable aux Palestiniens.

Exemples d'apologies du soutien militaire iranien aux organisations terroristes de la bande de Gaza
Le Jihad Islamique Palestinien

1.   Ci-après un extrait des déclarations des responsables du JIP :

a. Ramadan Shalah, le dirigeant du JIP, invité à réagir aux propos de Khaled Mashaal sur l'existence d'un différend entre le Hamas et l'Iran sur la crise syrienne, a déclaré que même s'il y a désaccord à propos de la Syrie, il n'y a pas de différend avec l'Iran ce qui se passe en "Palestine" au sujet de "l'agression". Il a ajouté : "Nous sommes d'accord sur ce point avec l'Iran à cent pour cent. L'Iran nous a donné tout le soutien, les armes utilisées par la résistance – tout le monde sait qu'elles proviennent d'Iran ou ont été financées par l'Iran". Ramadan Shalah a ajouté que ces armes étaient transférées à Gaza via l'Egypte et queces approvisionnements "se poursuivront dans l'avenir" (Al-Jazeera, 20 novembre 2012).

b. Ziad al-Nakhala, vice-secrétaire général du JIP, qui prend part aux négociations de cessez-le-feu au Caire, a salué l'Iran pour la qualité des armes transférée à la "résistance". Ci-après des propos de divers entretiens :

1)  "Nous tenons à remercier les frères en Iran pour leurs grands sacrifices  dans le but de transférer ces armes [cf., les roquettes Fajr-5, qui peuvent atteindre Tel-Aviv] pour la protection du peuple palestinien …" (Entretien deZiad al-Nakhala, Paltoday, 18 novembre 2012).

2)  Ziad al-Nakhalaa démenti les rumeurs selon lesquelles l'escalade est une mise en œuvre du programme iranien, en disant : "…les armes avec lesquelles la résistance se bat, et même les armes du Hamas, sont des armes iraniennes de la première balle jusqu'au missile, et même ce qui est produit localement est de fabrication iranienne…" (Al-Hayat, 18 novembre 2012).

3)  Ziad al-Nakhalaa été interrogé par la chaîne iranienne Al-Alam sur les roquettes Fajr-5. Il a répondu que ces roquettes, qui ont conduit à la victoire, ont été reçues de l'Iran. A la question de savoir s'ils allaient arrêter la contrebande d'armes en cas de signature d'un accord de cessez-le-feu, il a déclaré que le JIP est un organisme indépendant, qui s'arme pour être en mesure de se protéger (Télévision Al-Alam, 19 novembre 2012).

4)  Dawud Chihab, porte-parole du JIP, a déclaré dans une interview à la chaîne libanaise Al-Mayadeen(19 novembre) : "Ce n'est pas un secret que nous disons que l'aide militaire fournie à la résistance palestinienne, de A à Z, de la balle à la roquette, est un soutien de la République islamique, un soutien iranien. C'est un point que nous devons souligner, et ce très, très clairement et sans honte".

Le Hezbollah et un commentateur politique proche de l'organisation

6. Hassan Nasrallah, dans un discours prononcé dans la banlieue Sud de Beyrouth (Télévision Al-Manar, 19 novembre 2012) a fait l'éloge du rôle de l'Iran et de la Syrie dans le transfert d'armes aux organisations terroristes de la bande de Gaza :

a. Hassan Nasrallah a soulevé la question de savoir de quelle manière les roquettes Fajr-5, Grad et les missiles antichars (cornet et autres) sont arrivés à Gaza. "Qui les a envoyés en dépit du siège [de Gaza], qui les a conduits ?"

b. Il a ajouté qu'il était important de soulignerle rôle du rôle de l'Iran et de la Syrie dans cette affaire. Nasrallah a fait référence péjorativement aux pays qui transfèrent des médicaments aux Palestiniens (cf., l'Egypte) ou "un demi-centime" (cf., le Qatar). Il a souligné l'importance de l'aide militaire [iranienne et syrienne] qui permet aux organisations palestiniennes d'attaquer Tel-Aviv et Jérusalem, d'ouvrir le feu sur des avions et des navires, et de détruire des véhicules blindés. Inversement, ces Arabes qui envoient des cargaisons d'armes aux combattants de l'opposition en Syrie n'osent même pas envoyer une balle à  Gaza.

c. Le véritable défi auquel le monde arabe et musulman fait face est que les pays arabes et musulmans devraient avoir le courage de transférer des armes aussi rapidement que possible (dès aujourd'hui) à Gaza. De leur côté, les Israéliens croient que les roquettes de Gaza "prendront fin d'elles-mêmes ".

d. Nasrallah a fait référence à la réclamation selon laquelle l'Iran a abandonné le Hamas parce qu'il a quitté le "camp de l'opposition". Il a déclaré que l'Iran, la Syrie et le Hezbollah ne renonceront pas à la bande de Gaza [cf., aux organisations terroristes] et continueront de s'acquitter de leur devoir envers elles, même s'il existe des différences politiques certaines [référence aux différends entre l'Iran et le Hamas à la suite du soulèvement en Syrie et à la position du Hamas contre le régime syrien].

7. Ibrahim al-Amin, important commentateur politique libanais proche du Hezbollah (souvent interviewé par la chaîne Al-Manar), a publié un article critiquant le Hamas pour s'être abstenu de donner du crédit à l'aide militaire de l'Iran et de la Syrie. L'article a souligné la nécessité de la reconstruction des infrastructures militaires endommagées avec le soutien de l'Iran et de la Syrie. Ci-après des extraits de l'article publié dans le journal libanais Al-Akhbar, considéré comme exprimant les positions du Hezbollah (Al-Akhbar, 20 novembre 2012) :

a. L'article, intitulé "Quelle stratégie la résistance va-t-elle adopter après la victoire?" débute par la question de savoir pourquoi Khaled Mashaal n'a pas remercié la Syrie, l'Iran et le Hezbollah pour l'assistance militaire directe fournie aux forces de la "résistance" à Gaza. Mashaal a au contraire salué à plusieurs reprises l'Egypte, la Turquie et le Qatar, les remerciant de se tenir aux côtés du peuple de Gaza.

b. L'article précise en outre quel'Iran et la Syrie ont investi de grands efforts, dépensé des dizaines de millions de dollars et sacrifié des gens pour développer les capacités militaires des "forces de la résistance" (cf., les organisations terroristes) dans la bande de Gaza. Cette aide n'a pas été donnée pour un intérêt quelconque mais pour la "question sacrée", par idéologie et "pour Allah".

c. Le cessez-le-feu entre Israël ("l'ennemi") et les terroristes (la "résistance"), qui est sur le point d'être atteint, ne doit pas conduire à des mesures qui ne sont pas au cœur de la "résistance" et n'en reflètent pas les objectifs. Ainsi, celui qui pense soutenir la "résistance" (à savoir l'Égypte et ses alliés) doit lui apporter un soutien pratique. La résistance à "l'occupation" est menée dans une campagne dans laquelle "la résistance armée est l'option réelle et permanente".

d. Les organisations terroristes (la "résistance") ont réussi à faire preuve de capacités d'artillerie en atteignant des centres sensibles au cœur d'Israël ("le cœur de l'ennemi"). Cela signifie que ces capacités d'artillerie ont joué un rôle majeur pour contrecarrer l'agression israélienne. Cela mène à la question de savoir ce que sera l'étape suivante des "forces de résistance" (cf., les organisations terroristes). Vont-elles accepter une trêve (hudna) en échange de "crédits gouvernementaux" ou réhabiliter la force militaire et l'artillerie de qualité pouvant dissuader Israël de réitérer son agression ? (alternative qu'al-Amin semble implicitement soutenir).

Les médias iraniens saluent l'aide militaire fournie par l'Iran

8. Les médias iraniens, citant de hauts responsables gouvernementaux, ont également salué l'aide militaire iranienne aux Palestiniens démontrée avec le tir de roquettes Fajr-5 dans l'Opération israélienne Pilier de Défense. Comme dans les propos du dirigeant du Hezbollah, l'occasion aide a été mise à profit pour vilipender d'autres Etats islamiques (l'Egypte et ses alliés) ne fournissant aux Palestiniens les armes dont ils ont besoin. Cependant, les médias iraniens ont également critiqué l'annonce de la responsabilité de l'Iran dans l'approvisionnement en roquettes aux terroristes,en partie à cause de la crainte de poursuites judiciaires contre l'Iran en Occident.

9. Ainsi :

a. Dans son discours au Parlement, Ali Larijani (21 novembre) a annoncé : "Je suis fier d'affirmer que notre soutien aux Palestiniens était financier et militaire. Nous sommes fiers d'annoncer que nous allons continuer à défendre les Palestiniens dans les situations les plus difficiles" (Fars news, 21 novembre 2012).

b. Mohammad Hassan Abu Torabi Fard, vice-président du Parlement, s'est adressé au Parlement sur le rôle des forces armées iraniennes dans l'établissement des capacités militaires des combattants palestiniens dans la bande de Gaza. Il a déclaré : "La capacité des forces armées de l'Iran dans la bande de Gaza est apparue et a causé l'humiliation et l'impuissance du régime sioniste" (Fars news, 18 novembre 2012).

c. Le journal Kayhan a déclaré que lorsque le Hamas tire des missiles iraniens sur Israël, les dirigeants arabes gardent le silence mais les combattants du Hamas et des centaines de millions de musulmans chiites de la région savent maintenant mieux que jamais que l'Iran soutient les Palestiniens, et n'attache pas d'importance aux différences entre chiites et sunnites (Kayhan, 17 novembre 2012).

d. L'agence de presse Fars a publié un article (21 novembre 2012) traitant du changement stratégique résultant des importants investissements de l'Iran dans l'industrie des missiles. Selon l'article, les systèmes de missiles peuvent dans une large mesure décider de l'issue d'une guerre asymétrique et donc l'investissement de l'Iran n'était pas en vain (référence aux "investissements" de l'Iran dans le transfert de roquettes aux organisations terroristes).

Expressions de désapprobation et de déni

10. Le site Internet Asr-e Iran a critiqué les informations publiées dans les médias iraniens selon lesquelles les missiles utilisés par le Hamas sont de fabrication iranienne. Le site a affirmé qu'avec de telles affirmations, l'Iran fait de l'ombre à l'héroïsme des "combattants de la résistance palestinienne" et s'arroge le crédit de la lutte contre Israël. En outre, de telles affirmations pourraient avoir des conséquences politiques et juridiques en cas de procès intentés contre l'Iran dans des tribunaux occidentaux par des victimes du terrorisme en Palestine et au Liban. Ces affirmations sont fondées sur l'allégation selon laquelle l'Iran entretient des liens avec le Hezbollah et le Hamas et leur fournit des armes. Le site a noté que même si les missiles Fajr-5 ont effectivement été livrés par l'Iran au Hamas, ces affirmations nesont pas appropriées dans les conditions actuelles, et alors que le régime iranien dément les faits (Asr-e Iran, 19 novembre 2012).

11. Alaeddin Boroujerdi, le président du Comité national de défense et de politique étrangère du parlement iranien, a déclaré que l'Iran ne fournit pas aux Palestiniens de la bande de Gaza de missiles pouvant atteindre Tel-Aviv, contrairement aux affirmations d'Israël (Site Akhbarak, 18 novembre 2012).

[1] A ce sujet, voir notre article du 1er mars 2011 intitulé "Le terrorisme de la bande de Gaza depuis l'Opération Plomb Durci : données, caractéristiques et tendances", à l'adresse http://www.terrorism-info.org.il/fr/article/17947