La résistance populaire palestinienne et la violence employée dans ce cadre*


Emeutier palestinien s'apprêtant à lancer un cocktail Molotov sur des forces de Tsahal en Judée-Samarie (Site Internet Palinfo, 6 janvier 2013)
Emeutier palestinien s'apprêtant à lancer un cocktail Molotov sur des forces de Tsahal en Judée-Samarie (Site Internet Palinfo, 6 janvier 2013)

Principales conclusions de l'étude

1. Cette étude examine le concept de la résistance populaire palestinienne (al- muqawama al-sha'abiya) tel qu'il a été formulé au cours du conflit israélo-palestinien, adopté par la sixième conférence du Fatah en Août 2009 et mis en œuvreen Judée-Samarie par l'Autorité Palestinienne (AP) et le Fatah. Le concept de résistance populaire est devenu un élémentessentiel de la politique de l'AP, utilisé pour promouvoir les intérêts de l'AP dans son interaction avec Israël et dans les arènes palestiniennes internationales et internes.

2. Principales conclusions:

1) La résistance populaire est une stratégie mise en œuvre sur le terrain et intégrée dans les campagnespolitiques, économiques, de propagande et juridiques actuellement menées par l'AP contre Israël. Au niveau de l'AP et du Fatah, la résistance populaire est utilisée pour maintenirune tension constante et contrôlée dans les relations palestiniennes avec Israël. La résistance populaire peut être utilisée pour faire pression sur Israël à un degré approprié sur les développements politiques, et est considérée comme légitime par la communauté internationale. Sur le plan interne,l'AP et le Fatah ont présenté la résistance populaire au public palestinien comme une alternative acceptable à la "résistance armée" du Hamas, que l'AP et le Fatah ne considèrent pas pour l'heure comme étant pertinente dans la campagne palestinienne contre Israël.

2) La résistance populaire n'est pas la protestation calme et non-violente que l'AP présente. Elle recourt à une utilisation massive de la violence par le biais d'armes blanches, ainsi qu'à l'utilisation fréquente de cocktails Molotov et de pierres. En outre, des attaques sporadiques impliquent descouteaux et des attaques depuis des véhicules sur les Israéliens. Au cours des dernières années, l'utilisation d'armes blanches contre les forces de sécurité israéliennes et les civils israéliens a considérablement augmenté et est devenue la principale composante de la violence anti-israélienne en Judée- Samarie, par opposition à une diminution significative de l'usage des armes (fusils et explosifs).L'utilisation d'armes blanches a encore plus augmenté depuis la fin de l'Opération Pilier de Défense, bien que la résistance populaire ne se soit pas encore transformée en un soulèvement de masse (dans la plupart des cas, les événements de résistance populaire attirent entre des dizaines et des centaines de participants). Parfois, larésistance populaire cause des victimes (tués et blessés) parmi les civils et les soldats israéliens, ainsi que parmi les Palestiniens.

3)L'APsoutient publiquement la violence systématique utilisée dans les attaques commises dans le cadre de la résistance populaire à la fois directement et indirectement, en fournissant un soutien financier et logistique. Les forces de sécurité de l'AP ne prennent pas les mêmes mesures efficaces pour empêcher l'utilisation des armes blanches comme elles le font pour empêcher l'utilisation des autres armes, même si elles font un effort pour contenir et maîtriser les incidents violents de friction.Sur la scène internationale, l'AP accorde une légitime absolueà la résistance populaire, malgré sa violence agressive et malgré les pertes en résultant (un civil israélien a été récemment [Avril 2013] poignardé à mort). L'AP et le Fatah qualifient les événements violents de "résistance pacifique" ou de "résistance non-armée" et les promeuvent avec succès auprès dela communauté internationale.       

4)D'autre part, l'AP s'oppose à l'usage des armes (fusils et explosifs), qui pourrait transformer la résistance populaire en une campagne militaire armée contre Israël. L'AP et ses forces de sécurité utilisentdes mesures préventives pour faire respecter leur position par le Hamas et les autres organisations terroristes. Elles continuent également la coordination sécuritaire avec Israël en dépit des vives critiques du Hamas. Cependant, au moins idéologiquement, l'AP et le Fatah n'ont pas exclu la possibilité d'une campagne armée : selon la plateforme politique du Fatah d'Août 2009, une campagne arméedemeure une option pour l'avenir, en fonction des conditions politiques et sociales dans le conflit. En outre, même pendant la résistance populaire, l'AP et le Fatah garantissent l'héritage et les symboles de la lutte armée, mesure qui se manifeste, par exemple, encommémorantles "martyrs" (de toutes les organisations terroristes) tués en menant des attaques terroristes.

5)Si la résistance populaire n'est généralement pas l'œuvre des organisations terroristes palestiniennes, ses actes ne sont pas nécessairement "populaires" ou spontanés, tels que l'affirment l'AP et ses responsables. Les manifestations initiales étaient certes populaires, locales, spontanées et authentiques, mais elles ont pris une tournure institutionnalisée (surtout après la sixième conférence du Fatah) et se sont transformées en un outil politique important de l'AP et du Fatah. Environ 30 "comités populaires" (terme emprunté à la première Intifada) ont été mis en place pour protester contre la barrière de sécurité et les implantations israéliennes, un comité de coordination de la lutte populaire a également été mis en place et siège à Ramallah. L'AP a également organisé et institutionnalisé des mécanismes pour motiver les protestations populaires concernant les prisonniers terroristes palestiniens, qui se sont accélérées au cours de l'année écoulée. Plusieurs autres éléments ont été intégrés dans la résistance populaire : les étudiants de Judée-Samarie, des terroristes palestiniens (en particulier du Hamas, du Front Populaire de Libération de la Palestine [FPLP] et du Front Démocratique de Libération de la Palestine [FDLP]), des militants d'ONG palestiniennes de gauche (notamment l'Initiative nationale de Mustafa Barghouti), des militants pro-palestiniens étrangers (en particulier en provenance des pays occidentaux), qui s'organisent pour venir en Judée-Samarie pour des périodes déterminées, et des militants israéliens de gauche.

6) En 2012, le nombre d'attaques de résistance populaire a augmenté par rapport à 2011 et a atteint plusieurs centaines chaque mois. Les chiffres ont continué d'augmenter tout au long de la première moitié de 2013, pour atteindre le niveau élevé de violence d'aujourd'hui en Judée-Samarie. Deux questions ayantenvenimé les événements et augmenté leur sévérité étaient l'Opération Pilier de Défense et les prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes (surtout après l'échange de prisonniers contre Gilad Shalit, qui a trouvé un large écho). Les attaques à l'arme blanche ont également augmenté, passant de quatre en 2011 à 11 en 2012. Au cours de l'année écoulée, les armes blanches ont été utilisées pour tuer deux civils israéliens en Judée-Samarie : un a été poignardé à mort et l'autre a été victime d'une attaque par véhicule. En 2012, 35 Israéliens ont été blessés, plus de la moitié d'entre eux par des tirs de pierres et de cocktails Molotov. Toutefois, le nombre d'attaques terroristes impliquant l'utilisation d'armes est resté relativement faible, malgré les tentatives du Hamas et des autres organisations terroristes de les encourager (seulement 6,4% du nombre total d'attaques violentes).

7) Le Hamas, le Jihad Islamique Palestinien (JIP) et d'autres organisations terroristes opérant dans la bande de Gaza considèrent encore une campagne militaire armée comme leur méthode privilégiée pour atteindre leur objectif stratégique global, c'est-à-dire la destruction de l'Etat d'Israël. Le Hamas, cependant, ne rejette pas la résistance populaire, mais la considère seulement comme complétant le principal effort militaire et terroriste. Ainsi, le Hamas et les autres organisations terroristes font tout leur possible pour mettre en place une infrastructure terroriste armée en Judée-Samarie (jusqu'ici sans succès notable). Selon nous, leur incapacité à exporter avec succès le terrorisme de la bande de Gaza en Judée-Samarie est principalement le résultat des activités efficaces de lutte contre le terrorisme des forces de sécurité israéliennes. Ces activités sont soutenues par les opérations de prévention des forces de sécurité palestiniennes et par la réticence du public palestinien, au moins à ce stade, de payer le prix élevé d'une nouvelle intifada. Les membres du Hamas et d'autres organisations terroristes participent aux manifestations de résistance populaire en Judée-Samarie, mais n'y jouent pas un rôle majeur, et ont pris soin jusqu'ici de ne pas se présenter comme un défi pour les forces de sécurité palestiniennes. Les médias du Hamas et du JIP couvrent largement la résistance populaire, la loue et encourage sa poursuite, tout en lançant des appels explicites à une troisième intifada.

8) L'AP permet et encourage même à l'occasion les organisations anti-israéliennes à travers le monde (principalement dans les pays occidentaux) à participer à la résistance populaire, et certaines jouent un rôle important dans la campagne de délégitimation d'Israël. La plupart des étrangers opérant en Judée-Samarie sont membres d'ONG généralement affiliées à l'extrême-gauche en Europe, aux Etats-Unis et en Israël (notamment le Mouvement de Solidarité Internationale, ancré dans la gauche radicale américaine, et très actif en Judée-Samarie). La principale organisation terroriste palestinienne impliquée dans la résistance populaire et qui maintient un contact permanent avec les organisations de gauche en Europe (notamment la France et l'Italie) est leFront Populaire de Libération de la Palestine. Du point de vue de l'AP et des acteurs de la résistance populaire, la participation des étrangers accroît son dynamisme et sa présence dans les médias, et les aide à diaboliser Israël dans l'arène internationale (marquant Israël comme un "Etat d'apartheid"). Cependant, au cours de la dernière année, l'AP a mis l'accent sur l'importance du rôle des Palestiniens dans les événements de résistance populaire, et les responsables de l'AP ont publiquement déclaré qu'ils préféreraient voir les Palestiniens dominer les protestations et les manifestations. En outre, le Hamas a également fait un usage extensif des organisations et militants internationaux islamiques d'extrême-gauche en faveur des projets soutenant le Hamas dans la bande de Gaza, ainsi que des campagnes d'envoi de bateaux et de convois dans la bande de Gaza pour briser le "siège" (une campagne qui, à la lumière d'une série d'échecs, s'est affaiblie depuis le Mavi Marmara).

3. Selon nous, du point de vue de l'AP, jusqu'ici l'équilibre de la mise en œuvre de la résistance populaire est extrêmement positif. Depuis plusieurs années, les événements de résistance populaire accaparent l'attention des forces de sécurité israéliennes en Judée-Samarie et contribuent à maintenir la question palestinienne dans les médias du monde entier et à l'agenda politique international. Malgré l'énorme quantité de violence impliquée dans la résistance populaire et malgré les pertes parmi les civils et les soldats israéliens, les Palestiniens ont réussi à donner la fausse impression qu'ils mènent une campagne de résistance pacifique non-armée contre Israël, présentée comme une puissance d'occupation oppressive. D'autre part, la résistance populaire n'a pas échappé au contrôle de l'AP et des événements sont toujours organisés aux points de friction traditionnels même si leur portée reste limitée (mais avec la possibilité de se détériorer). Dans l'arène palestinienne interne, la résistance populaire a amélioré le statut de l'AP et du Fatah vis-à-vis du Hamas et en même temps n'a pas nui aux efforts de l'AP de rétablir l'ordre public en Judée-Samarie et de réduire l'anarchie sur le terrain.

4.Ainsi, les responsables de l'AP et du Fatah ont déclaré à maintes reprises leur intention de prolonger la résistance populaire en 2013 et d'en améliorer les tactiques (par exemple en bloquant les routes et en érigeant des "avant-postes"). Selon nous, l'AP suppose qu'elle va continuer à marquer des points politiques grâce à la résistance populaire et en même temps être en mesure de la contrôler et empêcher qu''elle soit exploitée par le Hamas et les autres organisations terroristes. Il semble peu probable que la visite du ¨Président américain Barack Obama en Israël et dans l'AP et l'espoir d'une reprise des négociations israélo-palestiniennes mèneront à une diminution de l'étendue ou de l'intensité de la résistance populaire et de sa violence. Au contraire, la résistance populaire et son cortège de violence vont probablement augmenter dans l'année à venir, que ce soit comme un moyen d'encourager le processus de paix ou en raison de la frustration des Palestiniens liée à la non-réalisation de leurs attentes en résultat du renouvellement du processus de paix.

5. Le gouvernement d'Israël, dans ses réserves au sujet de la Feuille de route, a déclaré à l'époque que les Palestiniens devaient démanteler les organisations sécuritaires de l'AP et réformer leurs structures, cesser la violence et l'incitation, et éduquer pour la paix (Site de la Bibliothèque de la Knesset israélienne, gouvernement de l'Etat d'Israël, décision du 25 mai 2003). Une analyse de la résistance populaire indique que les conditions n'ont pas été entièrement satisfaites. Alors que l'AP a investi beaucoup d'efforts dans la prévention du terrorisme militaire armé et a pris ses distances avec le Hamas sur ce point particulier, laviolence des armes blanches, telle qu'intégrée dans la résistance populaire, n'est pas empêchée. Au contraire, tant l'AP que le Fatah, en paroles et en actes, encouragent, favorisent et accompagnent la résistance populaire avec la propagande et l'incitation anti-israélienne. En conséquence, le terrorisme extrême prévalent à l'époque de Yasser Arafat (surtout la seconde Intifada) a nettement diminué au cours des dernières années, et suite à cela, le nombre de victimes israéliennes en Judée-Samarie.D'un autre côté, cependant, la violence palestinienne anti-israélienne n'a pas disparu, elle a simplement changé de forme, est devenue plus sophistiquée et plus contrôlée, et les Palestiniens estiment qu'elle est plus acceptable et plus facile à digérer par les Etats-Unis (également comme un scénario pour le processus de paix), la communauté internationale et même Israël.


Sommaire de l'étude

6. L'étude examine et analyse la résistance populaire en sept sections :

Première partie : Le concept de résistance populaire et sa violence – p 10

1) Contexte historique : la place de la résistance populaire dans le conflit palestinien avec Israël – p 10

2) La sixième conférence du Fatah et l'adoption du concept de résistance populaire (Août 2009) – p 12

3) La résistance populaire comme composante principale de la politique de l'AP- p 13

4) La place de la violence dans la résistance populaire – p 16

5) Tirs de pierres : la forme la plus courante d'attaque – p 17

6) Vers le retour au terrorisme des armes blanches – p 19

Deuxième partie : aspects organisationnels et logistiques – p 24

1) Les racines des "comités populaires" – p 24

2) Le déploiement et l'activité des comités populaires – p 25

3) Le comité populaire de coordination de la lutte – p 26

4) Principaux activistes des comités populaires et du comité populaire de coordination de la lutte – p 27

5) Implication des étudiants et des institutions universitaires dans les activités de résistance populaire – p 33

6) Soutien financier et logistique à la résistance populaire – p 36

Troisième partie : L'application du concept de résistance populaire en Judée-Samarie – p 42

1) Description générale des évènements de résistance populaire – p 42

2) Les points focaux de l'activité de résistance populaire – p 44

3) Enjeux et occasions d'attiser les événements de résistance populaire – p 46

4) Principale question de l'année écoulée : la protestation des prisonniers – p 48

A. Description générale – p 48

B. L'importance de la demande de libérer des terroristes palestiniens emprisonnés en Israël – p 50

C. Les institutions et organisations œuvrant pour les prisonniers palestiniens – p 54

D. La dynamique qui a conduit à transformer les protestations des prisonniers en une question centrale pour la résistance populaire – p 61

5) Le Mont du Temple comme un baril de poudre – p 73

6) Principaux types d'activités de résistance populaire – p 74

A. L'utilisation accrue d'armes blanches – p 74

B. L'utilisation de cocktails Molotov – p 76

C. Tirs de pierres et de roches – p 80

D. Attaques à l'arme blanche – p 84

E. Attaques depuis des véhicules – p 89

7) Le passage de la résistance populaire aux attaques armées – p 91

Quatrième partie : Modèles de résistance populaire en Judée-Samarie et dans la bande de Gaza – p 95

1)    Bila'in et Ni'lin – p 95

2)    Les attaques contre des véhicules israéliens sur les routes de Judée-Samarie – p 109

3)    Erection d'avant-postes – p 117

4)    Blocage des routes principales – p 124

5)    Autres modèles – p 127

6)    Evénements de propagande dans la bande de Gaza – p 130

Cinquième partie : Position de l'AP sur la résistance populaire – p 141

1)    Encourager mais contenir la résistance populaire – p 141

2)    Empêcher l'activité militaro-terroriste – p 146

3)    Fournir l'approbation religieuse islamique – p 146

4)    Préserver l'héritage belligérant de la campagne armée – p 148

Sixième partie : Le Hamas et la résistance populaire – p 157

1)    La position du Hamas sur la résistance populaire – p 157

2)    La participation du Hamas aux événements populaires de résistance – p 159

3)    Le discours médiatique de l'AP et du Hamas sur la résistance populaire – p 162

Septième partie : La résistance populaire et la communauté internationale – p 167
         
1) La participation internationale dans les évènements de résistance populaire –                                 p 167

2) Le Mouvement International de Solidarité (ISM): l'organisation étrangère la plus importante dans les activités de résistance populaire – p 170

3) Rôle du groupe israélien "Anarchistes contre le mur" – p 173

4) La position de l'AP sur la participation internationale – p 175

5) Conférences internationales de soutien à la résistance populaire – p 176

6) La participation internationale à la protestation des prisonniers – p 179

7) Plébiscite de la résistance populaire en Occident – p 179

[*]L'étude est disponible dans sa totalité en anglais à l'adressehttp://www.terrorism-info.org.il/en/article/20515