Pleins feux sur le jihad mondial (26 janvier – 1er février 2017)

Aperçu général

Le cessez-le-feu déclaré il y a plus d'un mois est toujours en vigueur dans la plupart des régions de Syrie. Dans le secteur de Wadi Barada, où se trouvent les sources d'eau de Damas, le régime syrien a marqué de nouveaux points en signant un accord selon lequel les organisations rebelles se sont rendues et ont été évacuées, avec leurs familles, vers la région d'Idlib. Dans diverses régions de Syrie, les combats se sont poursuivis entre l'Etat islamique et les forces rivales. Jusqu'à présent, aucune partie n'a gagné le dessus dans les principales zones de combat. En Irak, les forces irakiennes ont achevé la reprise de l'Est de Mossoul et se préparent à reprendre les quartiers à l'Ouest du Tigre. Dans le cadre des préparatifs pour la prochaine étape de l'offensive, des tirs d'artillerie contre des cibles de l'Etat islamique dans l'Ouest de Mossoul ont été signalés, ainsi que la diffusion de tracts demandant aux habitants de coopérer avec l'armée irakienne, et l'envoi de renforts à Mossoul. Selon la stratégie envisagée, le siège de Mossoul devraient être resserré en coupant la ville du district de Tal Afar à l'Ouest (par lequel l'Etat islamique maintient ses liens avec la Syrie).

 

La région de Damas

Reddition des organisations rebelles à Wadi Barada

• Dans la région de Wadi Barada, non astreinte au cessez-le-feu, le régime syrien a obtenu une importante réussite lors d'un accord conclu avec les rebelles. Suite à cet accord, les forces syriennes ont repris le contrôle des sources d'eau de Damas, et les rebelles, y compris le Front Fatah al-Sham, ont été évacués vers la région d'Idlib, le bastion des organisations rebelles dans le Nord de la Syrie.
• Le 28 janvier 2017, les forces syriennes ont pénétré dans la ville d'Ain al-Fijah, à proximité de la source qui fournit de l'eau à Damas, et y ont hissé le drapeau syrien. Des unités de démineurs de l'armée syrienne ont commencé à désamorcer les mines laissées par les organisations rebelles en vue de l'entrée des équipes de maintenance chargées de réparer les dégâts et de restaurer l'approvisionnement en eau de la ville (Dimashq al-Aan, 28 janvier 2017). En même temps, des bus sont arrivés sur place et ont évacué les rebelles et leurs familles vers Idlib.

• L'Etat islamique a publié des photos d'un camp de formation d'enfants et d'adolescents ("les lionceaux du califat") à Al-Hajr al-Aswad, au Sud de Damas. Des adolescents y ont été vus suivant une formation militaire et récitant des passages du Coran (Haqq, 28 janvier 2017).

Deir ez-Zor

• A Deir ez-Zor, les combats se sont poursuivis entre les membres de l'Etat islamique et les forces syriennes, avec le soutien aérien massif de l'armée de l'air russe et syrienne. Les combats se poursuivent àl'aéroport de Deir ez-Zor et dans le cimetière au Sud de la ville (voir la carte). Le 26 janvier 2017, les forces syriennes ont repoussé une tentative d'attaque de l'Etat islamique dans la zone de l'aéroport (Dimashq al-Aan, 26 janvier 2017). L'organisation aurait fait exploser une voiture piégée à l'aéroport (Sawt Lebnan, 28 janvier 2017) et auraient repris le secteur du cimetière au Sud de Deir ez-Zor. Cependant, cela n'a pas encore été confirmé. À ce stade, il semble que l'Etat islamique continue de conserver les exploits de ces récentes batailles à Deir ez-Zor, principalement la coupure de l'aéroport et le contrôle de plusieurs quartiers au Sud.

La région d'Al-Raqqah

• Les combats entre les membres de l'Etat islamique et les Forces démocratiques syriennes (FDS) se sont poursuivis dans la zone rurale à l'Ouest et au Nord-Ouest d'Al-Raqqah. Les forces des FDS ont été appuyées par des attaques aériennes des pays de la coalition menée par les États-Unis. Selon le porte-parole des FDS, l'objectif de la prochaine étape de l'opération sera d'isoler complètement la ville d'Al-Raqqah (Khatwa, 31 juillet 2017).
• Selon le Département américain de la Défense, les forces des FDS sont à une distance de 4 km du barrage de Tabqa et à moins de 30 km d'Al-Raqqah. Depuis le début de l'opération de libération d'Al-Raqqah, qui a commencé le 5 novembre 2015, les FDS ont nettoyé plus de 3 000 km2, et les forces de la coalition ont effectué plus de 900 frappes aériennes. Ces attaques ont détruit plus de 100 véhicules et plus de 300 fortifications de l'Etat islamique (Site Internet du Département américain de la Défense, 26 janvier 2017).

La région d'Al-Bab

• Les affrontements se sont poursuivis à la périphérie d'Al-Bab entre les membres de l'Etat islamique et l'Armée syrienne libre, avec le soutien aérien massif de l'armée turque, de la coalition menée par les États-Unis, ainsi que de la Russie (qui continue d'attaquer des cibles de l'Etat islamique en collaboration avec l'armée de l'air turque). Il semble que l'Armée syrienne libre, sur les instructions de la Turquie, a cessé de progresser à la périphérie Nord et Ouest d'Al-Bab et s'est abstenue jusqu'à présent de tenter de pénétrer dans la ville.
• Dans le même temps, l'armée syrienne a continué à avancer vers Al-Bab de la direction d'Alep et les forces syriennes semblent actuellement proches de la ville. Selon des sources de l'armée syrienne et de ses alliés, l'armée syrienne aurait repris le contrôle d'environ 25 villages dans la zone rurale du Sud d'Al-Bab. Les combats sont concentrésautour du village d'Al-Madyuna, à environ 10 km au Sud-Ouest d'Al-Bab.

Tentative de l'Etat islamique de couper la route d'approvisionnement entre Alep et Hama

• Cette semaine, des membres de l'Etat islamique ont attaqué des forces syriennes déployées dans les régions de Khanaser et Ithriya, près de la route menant de Hama à Alep. Cette route est la seule voie permettant l'approvisionnement d'Alep (la route principale entre Alep et Hama a été coupée par les organisations rebelles). Le 26 janvier 2017, l'Etat islamique aurait réussi à couper la voie. Cependant, le 30 janvier 2017, l'armée syrienne aurait réussi à la rouvrir et à en reprendre le contrôle (Page Facebook d'Akhbar Halab Al-Ajela, affiliée au régime syrien, 30 janvier 2017). Selon nous, l'initiative de l'organisation visant à couper la route visait à empêcher les forces syriennes d'établir une présence à Alep et à alléger la pression sur l'organisation dans la ville d'Al-Bab.

La région de Palmyre

Cette semaine encore, les affrontements se sont poursuivis dans la zone de l'aérodrome militaire T-4. Le 27 janvier 2017, l'Etat islamique a annoncé que 13 soldats de l'armée syrienne avaient été tués et plusieurs autres blessés dans des batailles qui ont eu lieu au Nord-Est de l'aérodrome La presse syrienne a rapporté que les forces du régime syrien ont repris des territoires au Nord-Ouest de l'aérodrome, y compris le bâtiment d'un bataillon de défense aérienne situé à environ 10 km de l'aérodrome (Dimashq al-Aan, 29 janvier 2017, télévision syrienne, 30 janvier 2017).

Sud de la Syrie

• Les luttes de pouvoir entre l'Etat islamique et les organisations rebelles se poursuivent au Sud de la Syrie. Le 24 janvier 2017, l'Etat islamique a revendiqué la responsabilité d'une tentative d'assassinat du président du tribunal des organisations rebelles à Daraa. Un engin piégé a explosé près d'une prison proche de Daraa, où le président du tribunal était présent à l'époque. Il a été blessé, et deux de ses gardes du corps ont été tués (ARA News, 24 janvier 2017, Aamaq, 24 janvier 2017). Le 26 janvier 2017, le vice-président du tribunal a été blessé dans l'explosion d'un engin piégé dans son véhicule. La voiture était garée devant sa maison dans la ville d'Al-Taybeh, à l'Est de Daraa (all4syria, 26 janvier 2017).

Création d'une nouvelle organisation dirigée par le Front Fatah al-Sham

• Le 28 janvier 2017, cinq groupes rebelles ont créé une nouvelle organisation au Nord de la Syrie, baptisée "le Siège de la Libération d'Al-Sham" (Hay'at Tahrir al-Sham). Elle est composée de cinq groupes de nature islamique : le Front Fatah al-Sham (anciennement le Front Al-Nusra); le mouvement Nur al-Din al-Zanki; l'Armée de la Sunna; le Front Ansar al-Din (Jabhat Ansar al-Din); et la Brigade Al-Haqq (Liwa 'al- Haqq). Le Front Fatah al-Sham est la composante dominante de la nouvelle organisation.
• Une déclaration publiée par la nouvelle organisation précise ses objectifs, en mentionnant, entre autres, le renversement du régime syrien et l'imposition de la charia aux habitants de la Syrie. Le texte appelle les groupes rebelles à rejoindre les rangs de l'organisation (Compte Twitter Tahrer_Sham, 28 janvier 2017).
• Le nouveau cadre est dirigé par un jihadiste appelé Hashem al-Cheikh (Abu  Jaber), qui avait précédemment dirigé Ahrar al-Sham et a quitté le groupe en 2015 en raison de son affiliation à Al-Qaïda (Ahrar al-Sham est une organisation rebelle de nature islamique qui s'oppose au Front Fatah al-Sham). Hashem al-Sheikh, né en 1968 à Maskana, à l'Est d'Alep, possède un diplôme en ingénierie mécanique. Entre 2003 et 2005, il a combattu en Irak dans les rangs d'Al-Qaïda, sous la direction d'Abu Mus'ab al-Zarqawi (fondateur de l'Etat islamique). En 2005, il a été arrêté, condamné à huit ans de prison et libéré en 2011 (Al-Alam, 29 janvier 2017).
• Le Front Fatah al-Sham (branche d'Al-Qaïda en Syrie), la composante dominante de la nouvelle organisation, n'est pas inclus dans le cessez-le-feu. Il est désormais ciblé par le régime syrien, par la Russie, et d'autres organisations rebelles, qui pourraient utiliser le cessez-le-feu pour augmenter la pression sur le groupe. Compte tenu de cette situation, le Front Fatah al-Sham utilise une tactique familière employée dans le passé, visant àrenforcer l'établissement de cadres conjoints et la collaboration avec d'autres organisations rebelles, tout en s'efforçant de brouiller sa véritable identité comme branche d'Al-Qaïda en Syrie. L'établissement du nouveau cadre vise également à rendre le Front Fatah al-Sham plus attractif face à l'Etat islamique, l'organisation jihadiste rivale. À cette fin, l'homme placé à la tête dunouveau cadre est un jihadiste de longue date, affilié à Al-Qaïda et hostile à l'Etat islamique.

Principaux développements en Irak

La campagne de reprise de Mossoul

• Les forces irakiennes ont complété leur reprise de l'Est de Mossoul et s'apprêtent à reprendre les quartiers situés à l'Ouest du Tigre. L'Etat islamique, de son côté, a tiré des tirs d'artillerie sur les quartiers à l'Est de la ville, s'efforçant de perturber les préparatifs de l'armée irakienne. Selon les médias américains, durant le nettoyage de l'Ouest de la ville, les forces irakiennes ont découvert du gaz moutarde et un stock de missiles sol-sol russes appartenant à l'Etat islamique (Washington Post, 28 janvier 2017).
• Selon le porte-parole du Pentagone Jeff Davis, les forces irakiennes approchent de la fin de l'opération dans l'Est de Mossoul. Selon lui, les membres de l'Etat islamique se retirent vers le pont Nord du Tigre, afin de traverser la rivière vers l'Ouest. Il a déclaré que les États-Unis avaient détruit dix embarcations afin d'empêcher les terroristes de traverser le Tigre (Site Internet du département d'État américain, 26 janvier 2017).
• L'armée irakienne se prépare à la conquête de l'Ouest de Mossoul.Les troupes irakiennes ont tiré des tirs d'artillerie sur des cibles de l'Etat islamique à l'Ouest de la ville (Al-Jazeera, 25 janvier 2017). Un renforcement d'unités d'élite aurait été envoyé à Mossoul (Al-Mayadeen, 29 janvier 2017). Un avion irakien a distribué des tracts dans la partie occidentale de la ville, appelant les habitants à coopérer avec l'armée irakienne afin de faciliter l'opération et d'éviter des pertes civiles (Anatolie, 21 janvier 2017). En vue de resserrer le siège sur Mossoul, il est prévu de couper la ville du district de Tal Afar, à l'Ouest de Mossoul. Cela permettra decouper les lignes d'approvisionnement de l'Etat islamique entre Mossoul et la Syrie, qui sont encore en activité (Centre d'information de Ninive, 26 janvier 2017).
• La machine de propagande de l'Etat islamique tente d'exagérer ses capacités militaires. La Province de Ninive de l'organisation a ainsi publié une vidéo montrant un drone en sa possession. L'appareil est censé lâcher des bombes. La vidéo montre plusieurs cas où le drone a été employé à Mossoul (Youtube, 27 janvier 2017).

Le jihad mondial dans d'autres pays

Libye

La région de Syrte

• La salle des opérations de sécurité du gouvernement libyen de consensus national à Misrata a annoncé qu'une force en son nom avait passé en revue les sites attaqués par les Etats-Unis au Sud-Ouest de Syrte.^[1] Ci-après les résultats (Page Facebook de la salle des opérations de sécurité à Misrata, 26 janvier 2017):

• Sur un premier site, environ soixante-dix corps de l'Etat islamiqueont été retrouvés. Les troupes ont constaté que le site avait servi à l'entraînement et que la plupart des activistes restés sur place n'avaient pas fui les batailles de Syrte.
• Une vingtaine de corps de membres de l'Etat islamique ont été retrouvés sur un deuxième site, membres d'une unité appelée "La brigade de la victoire" (Sariyyat al-Fatah) et formés à mener des attaques terroristes. Des obus, des ceintures explosives et des moyens de camouflage ont été trouvés sur place.

La ville de Benghazi

• Le porte-parole des forces de Khalifa Haftar et des responsables de ses troupes ont annoncé le 25 janvier 2017 que la zone de Qanfuda dans l'Ouest de Benghazi avait été libérée du Conseil de la Choura des Révolutionnaires de Benghazi (un groupe jihadiste affilié à Al-Qaïda). Ils ont précisé que les forces progressaient vers le dernier bastion du Conseil de la Choura à l'Ouest de la ville, appelé "les 12 bâtiments" (Reuters en arabe, 25 janvier 2017, alarabiya.net, 29 janvier 2017).

Yémen

• Lors d'une attaque américaine contre des membres de l'AQAP au Centre du Yémen, 14 terroristes ont été tués, dont un officier. Plusieurs civils auraient également été blessés lors de l'attaque. L'opération a été menée par les forces spéciales contre la maison d'Abd al-Raouf al-Dhahab, dans la province de Bayda, où l'activité américaine s'est concentrée au cours du dernier mois. Un avion a attaqué le domicile, en coordination avec les forces spéciales qui sont arrivées en hélicoptère et ont rejoint les forces locales. Un des hélicoptères a été touché lors de l'atterrissage et un soldat américain a été tué (Reuters, 29 janvier 2017).

Activité antiterroriste

Autriche

• Dans des raids effectués par la police autrichienne sur des appartements et des mosquées non officielles, 14 individus soupçonnés d'appartenance à l'Etat islamique ont été arrêtés dans les villes de Graz et de Vienne. Parmi les personnes arrêtées figuraient des citoyens ayant immigré en Autriche. Les raids visaient principalement un réseau dirigé par Ebu Tejma, un prédicateur musulman de Bosnie qui a été condamné pour avoir envoyé des jeunes se battre dans les rangs de l'Etat islamique en Syrie (il est emprisonné à Graz depuis Juillet 2016). Selon le ministère autrichien de l'Intérieur, environ 300 personnes ont quitté l'Autriche ou ont été appréhendées alors qu'elles quittaient le pays pour combattre en Syrie. Environ 40 d'entre elles ont été tuées et environ 90 sont retournées en Autriche (The Local.at, 26 janvier 2017).

Russie

• Dans le centre de la ville de Shelly, en Tchétchénie, un affrontement s'est produit entre des policiers et trois suspects qui se sont approchés du poste de contrôle de la police et ont refusé de présenter leurs papiers. Deux policiers et deux civils ont été blessés. Les trois suspects ont été tués. Selon Ramzan Kadyrov, Président du gouvernement fédéral de Tchétchénie, deux des suspects figuraient sur la liste des personnes recherchées par le gouvernement fédéral. Le réseau auquel ils appartenaient était dirigé par un individu nommé Magomed Rashidov, natif de Shelly, affilié à l'Etat islamique. Magomed Rashidov s'est envolé pour la Syrie il y a trois ans et recrute des membres dans les rangs de l'organisation par le biais d'Internet (Site Internet 1tv, site Internet du gouvernement fédéral tchétchène, 30 janvier 2017).
• Apti Alaudinov, vice-ministre des affaires tchétchènes du gouvernement russe, a déclaré que le nombre de Tchétchènes ayant quitté la république pour rejoindre l'Etat islamique a chuté en 2016.Selon Alaudinov, un total de 19 Tchétchènes ont rejoint l'organisation en Syrie en 2016. Il a également souligné que l'activité des autorités juridiques russes a permis d'empêcher l'organisation de constituer des cellules visant à recruter des Tchétchènes dans ses rangs (Spoutnik, 26 janvier, 2017). Cette baisse s'inscrit dans une tendance générale à une diminution du nombre de combattants étrangers rejoignant l'organisation.

^[1]Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2017, des bombardiers de l'armée américaine ont effectué un raid aérien contre des bases de l'Etat islamique situées à environ 45 km au Sud-Ouest de la ville de Syrte, qui avait été reprises par l'organisation.

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